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Cap21 LRC Toulouse

echos du reseau lercitoyen

Nomination d'Elisabeth Borne: l'écologie est réduite à de la communication en macronie

17 Juillet 2019, 19:32pm

Publié par Corinne Lepage

Nomination d'Elisabeth Borne: l'écologie est réduite à de la communication en macronie

La nomination d’une technocrate, habituée à obéir aux instructions du pouvoir, ne laisse aucun doute sur le fait que la marge de manœuvre réelle de la ministre sera inexistante. Le vrai ministre de l’écologie sera le Président. Qui poursuit depuis deux ans une œuvre de déconstruction du droit de l’environnement.

 

 

Le départ de François de Rugy, mis dans l’impossibilité de poursuivre sa tâche avec un rapport de force suffisant, aurait pu être l’occasion de mettre, pour une fois, les actes en accord avec les paroles et trouver un successeur à François de Rugy qui symbolise la priorité affichée en faveur de l’écologie pour l’acte deux du quinquennat. Ce n’est manifestement pas le choix qui a été fait! Sans qu’il n’y ait rien à redire à titre personnel contre Élisabeth Borne, force est de constater qu’elle n’a dans sa vie de technocrate jamais manifesté une sensibilité réelle à la cause écologique (la stratégie de la SNCF dans laquelle semble-t-il le terme de développement durable ne figure même pas, en est le signe) et surtout ne dispose en aucune manière du poids politique suffisant pour pouvoir s’imposer face à ses collègues, à commencer bien entendu par ceux de Bercy et face à tous les lobbys qui bénéficient d’une oreille très attentive au sein de l’appareil d’État.

La nomination d’une technocrate, habituée à obéir aux instructions du pouvoir politique, ne laisse absolument aucun doute sur le fait que la marge de manœuvre réelle de la ministre sera inexistante et qu’en réalité le vrai ministre de l’écologie sera le Président de la République qui se veut en être le chantre au niveau international mais qui poursuit en réalité depuis deux ans une œuvre de déconstruction systématique du droit de l’environnement en France. Les bilans cumulés de Nicolas Hulot et François de Rugy sont extrêmement faibles alors qu’ils avaient, et en particulier pour le premier d’entre eux, un véritable poids politique et qu’ils étaient ministres d’État, un symbole fort dans l’architecture gouvernementale. Las d’avaler les couleuvres qu’il devait de surcroît présenter comme autant de progrès, Nicolas Hulot, par honnêteté, a jeté l’éponge. François de Rugy ne sera pas parvenu à obtenir de véritables arbitrages positifs. Désormais, rétrogradée au rang d’un ministère “normal”, l’écologie ne sera plus qu’une administration sans réel rapport de force en sa faveur.

Désormais, rétrogradée au rang d’un ministère “normal”, l’écologie ne sera plus qu’une administration sans réel rapport de force en sa faveur. Le Président de la République se veut être le chantre de l'écologie au niveau international mais poursuit depuis deux ans une œuvre de déconstruction systématique du droit de l’environnement en France.

Il ne s’agit donc en réalité que de l’illustration d’une réalité qui est celle de la macronie: réduite à une écologie de communication. S’appuyant sur quelques mesures présentées comme “révolutionnaires” alors qu’elles ne sont que très modestes par rapport à ce que font nos voisins européens, cette écologie de la communication dissimule en réalité une déconstruction systématique, parfaitement pensée du droit de l’environnement, et un écart croissant avec nos engagements communautaires. Dans une tribune publiée dans le journal Le Monde (25 juin 2019), cosignée avec les plus grands professeurs de droit de la place, nous avions mis en exergue les régressions majeures auxquels il a été procédé depuis deux ans ou qui sont dans les tuyaux: sans prétendre à l’exhaustivité, la suppression programmée de la commission nationale du débat public, la suppression des enquêtes publiques qui existent depuis la révolution française, la réduction massive du champ d’application des études d’impact (qui a donné lieu à une mise en demeure de l’union européenne), la réduction drastique des installations soumises à autorisation au titre de la législation des installations classées, la réduction de la protection des sites naturels classés et inscrits, la portion congrue laissée aux énergies renouvelables (pour permettre de relancer un programme nucléaire devenu irréalisable sur le plan technique et totalement incongru sur le plan financier et de sa rentabilité).

L’État est redevenu, comme il l’était dans les années 70, le soutien très actif des grands lobbys autoroutiers, automobiles, chimiques, agricoles, de la chasse.

À ceci s’ajoutent la possibilité de ne pas appliquer le droit de l’environnement au bon vouloir des préfets, des autorisations données pour des projets carbonophages et serial killer de la biodiversité (Europa City, contournement de Strasbourg, autoroute en Camargue parmi bien d’autres), une politique lamentable en termes de santé environnement stigmatisée par le commissariat général au développement durable, le maintien des pesticides toxiques –le monde à l’envers– l’État qui veut poursuivre les maires qui interdisent les pesticides sur leur territoire, des engagements non tenus en ce qui concerne la rénovation des bâtiments, les subventions dues à l’agriculture biologique, l’autorisation de chasser des espèces protégées, sans oublier la catastrophe que représentent le CETA et le Mercosur, traités soutenus désormais par Emmanuel Macron, après avoir “vendu” ces accords contre le plat de lentilles que constitue l’engagement de M. Bolsonaro de suivre les accords de Paris, engagement qu’il n’a jamais tenu et qu’il n’a pas davantage l’intention de tenir… aucun domaine du droit de l’environnement n’a échappé à la destruction.

Il est bien peu probable que le nouveau titulaire du ministère de l’écologie puisse imposer, notamment à la citadelle de Bercy qui désormais tient tous les leviers du pouvoir, quoi que ce soit en faveur d’une transition réelle.

L’État est redevenu, comme il l’était dans les années 70, le soutien très actif des grands lobbys autoroutiers, automobiles, chimiques, agricoles, de la chasse etc. Avec 2 différences majeures: les années 70 ont été des années de grands progrès du droit de l’environnement et, quant à la fin des années 2010, elles ont subi les bouleversements climatiques, en termes de biodiversité et en termes de pollution chimique. Aujourd’hui s’impose une transformation rapide de nos modes de vie, de production et de consommation et surtout l’impérieuse nécessité d’arrêter de faire le contraire de ce qu’il faudrait. Pour y parvenir, il faut entraîner la société, mettre en place les mécanismes financiers adéquats, renforcer tous les mécanismes de protection au lieu de les supprimer.

Il est bien peu probable que le nouveau titulaire du ministère de l’écologie puisse imposer, notamment à la citadelle de Bercy qui désormais tient tous les leviers du pouvoir, quoi que ce soit en faveur d’une transition réelle. Au moins, les choses seront claires et la société civile a parfaitement compris qu’elle ne peut compter que sur elle-même pour engager les transformations nécessaires à notre survie. 

Corinne Lepage

Avocate, ancienne députée européenne, ancienne ministre de l'Environnement

 

Source : Huffington Post

https://www.huffingtonpost.fr/entry/nomination-delisabeth-borne-lecologie-reduite-a-de-la-communication-en-macronie_fr_5d2f6225e4b02fd71dde890f?utm_hp_ref=fr-homepage

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Réchauffement climatique : l'analyse de Corinne Lepage

14 Octobre 2018, 15:36pm

Publié par Corinne Lepage

Il va falloir se prendre en main pour éviter l'extinction de l'espèce humaine.

Il va falloir se prendre en main pour éviter l'extinction de l'espèce humaine.

L'avocate et ancienne ministre, Corinne Lepage pose un regard plein d'espoir face au réchauffement climatique et à la responsabilisation de chacun. 

Le rapport du Giec, paru le 8 octobre, n’est pas une surprise. À un élément près. Contrairement à l’avis de beaucoup, les 1,5°C sont encore atteignables. À une condition : que 2020 soit l’année du pic d’émissions de gaz à effet de serre, année à partir de laquelle les émissions décroîtront pour parvenir à une neutralité carbone en 2050.

Les mesures à prendre

Les mesures à prendre pour atteindre 1,5°C ou 2°C sont globalement les mêmes. Ce qui diffère profondément, c’est la date à laquelle ces mesures seront prises et surtout les effets qu’une augmentation moyenne des températures de 1,5 ou 2°C aura sur l’Humanité, les êtres vivants et les ressources planétaires.

Ne pas agir dans les deux ans nous conduirait immanquablement à une hausse minimum de 2°C, et encore, à la condition que le pic des émissions de gaz à effet de serre ait lieu en 2030. Notre génération a la responsabilité de choisir entre l’effondrement (les tenants du collapsus sont de plus en plus nombreux) ou le sursaut. L’égoïsme des États, à commencer par celui manifesté par Donald Trump à la tête des États-Unis, ne facilite rien.

 

Pourtant, le rapport récent de la Commission mondiale sur l’économie et le climat de l’ONU propose une mutation sans précédent permettant d’atteindre 2°C. Les solutions existent, et de nombreuses entités non-étatiques sont entrées dans l’action : les mégalopoles du C40, les 800 régions du monde intégrées au R20, des entreprises convaincues de leur rôle dans une mutation rapide (à l’instar du Mouvement des Entrepreneurs de la Nouvelle Économie) et de nombreux organismes de toute nature à leur propre niveau. La société civile est en mouvement et l’inéluctable processus pour une justice climatique, qui se traduit aujourd’hui par plus de 1 200 procès dans le monde pour contraindre les États à agir, est une force considérable.

Restent tous ceux qui participent à l’économie de l’ancien monde, qui ne veulent renoncer à rien et comptent tirer profit de tout ce qu’ils peuvent, le plus longtemps possible. Et puis bien sûr, les États qui, certes, signent des conventions et des traités mais les oublient dès qu’il s’agit de politique intérieure.

Pour une pérennité de l'espèce humaine

Malheureusement, notre pays n’échappe pas cette règle. Nous avons une responsabilité collective d’enclencher les transformations de nos champs de compétences et de moyens. Dans cet objectif, la Déclaration universelle des droits et des devoirs de l’Humanité, seul texte signé aujourd’hui par toutes les composantes de l’humanité – citoyens, villes, régions, barreaux, universités, entreprises, ONG et un État -, donne une base commune et simple des droits et des devoirs qui sont les nôtres si nous souhaitons assurer la pérennité de l’espèce humaine.

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Le lobby nucléaire est aux commandes, au mépris de la sécurité des Français

7 Octobre 2018, 06:00am

Publié par Corinne Lepage

Les débats finaux –si tant est qu'il y en ait- autour de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) sont à pleurer tant ils méprisent l'intérêt des Français, les choix qu'ils ont exprimés lors du débat public, leur porte-monnaie et leur vie.

Le lobby nucléaire est aux commandes, au mépris de la sécurité des Français.

Le lobby nucléaire est aux commandes, au mépris de la sécurité des Français.

Le lobby nucléaire est bien obligé de sortir du bois pour préciser le nombre de centrales qu'il est prêt à fermer... Après 2029, puisque chacun a bien compris que c'est lui qui décidait de la politique énergétique de la France et par voie de conséquence des risques auxquels les français sont exposés et des coûts qu'ils seront bien obligés de supporter.

EDF serait donc prêt à fermer entre 7 et 12 réacteurs entre 2029 et 2035. Ils auront alors plus de 50 ans (sic). RTE plus raisonnable propose d'en fermer 6 d'ici 2028. EDF, qui traîne un boulet de plus de 50 milliards de dettes, mais est convaincu que le contribuable français la comblera comme il l'a fait pour partie pour Areva (tous les "trucs" sont bons pour éviter la colère de l'Union européenne et contourner l'interdiction des aides d' État) veut en plus construire 6 EPR à 10 milliards l'unité ... à condition qu'il soit capable déjà d'en construire un, ce qui n'est pas démontré. On croit rêver!

Tout ceci se fait bien entendu comme si l'autorité de sûreté nucléaire n'existait pas, mais il est vrai que sa complaisance lorsqu'il s'agit de prendre des décisions fortes se fait de plus en plus grande... voir son attitude déraisonnable par exemple sur les générateurs de vapeur de Fessenheim ou sur l'absence de réalisation dans les délais prévus des unités de secours des diesels qui devaient être réalisés sur toutes les centrales nucléaires (décision de 2012) et qui ne le sont que sur deux réacteurs à ce jour.

Tout ceci se fait au mépris de la sécurité et de la sûreté. Ainsi, grâce à une députée allemande, l'autorité de sûreté nucléaire a été mise dans l'obligation de publier la liste des événements dits précurseurs définis comme étant "ceux qui conduisent un accroissement de risque de fusion du cœur par rapport à la probabilité de fusion du cœur pris en compte lors de la conception des installations". Pas moins de 158 événements de ce type se sont produits entre 2003 et 2014 dont 14 pour Fessenheim 1 et 17 pour Fessenheim 2, nombre maximal atteint par quatre autres réacteurs -dont Bugey-. Ainsi, alors que le risque d'accident nucléaire s'accroît de manière considérable avec des réacteurs de plus de 40 ans qui ont été prévus initialement pour durer 30 ans, EDF n'hésite pas, pour son intérêt économique propre, à exposer les Français à des centrales de 50 ans d'âge.

Tout ceci se fait au mépris de l'avis émis par les Français lors du débat public qui s'est déroulé entre mars et juin 2018, sous l'égide de la commission nationale du débat public. La volonté de réduire la part du nucléaire en favorisant le renouvelable, et ce dans les délais les plus rapides, et de fermer les centrales vieillissantes s'est exprimé de la manière la plus claire. Mais, au mépris des exigences communautaires qui imposent de prendre en considération l'avis du public lorsqu'il est sollicité, le lobby nucléaire qui s'exprime désormais au plus haut niveau n'en a cure.

Tout ceci se fait enfin au mépris de nos intérêts économiques et industriels puisque le lobby nucléaire bloque tout développement sérieux de l'autoconsommation collective qui pourrait permettre une progression fulgurante de l'énergie renouvelable en France; il interdit aux collectivités locales de distribuer par des boucles locales l'énergie qu'elles pourraient produire, réduisant ainsi leur capacité économique. Et, il continue dans la contrevérité qui consiste à soutenir que nucléaires et renouvelables vont de pair alors que c'est faux puisque le marché stagne et que la production d'électricité nucléaire empêche toute progression des énergies renouvelables.

Tout ceci enfin se fait au mépris de l'intérêt économique et financier des Français. L'énergie nucléaire est désormais reconnue par le monde entier comme étant la plus chère du monde et, d'anciens dirigeants de l'AIEA reconnaissent eux-mêmes qu'elle n'est plus compétitive. Nous réengager dans la voie du nucléaire condamne la France et les Français à perdre encore en compétitivité, et à payer leur énergie beaucoup plus chère que ce que paieront à brève échéance nos voisins européens.

La responsabilité qui est prise actuellement à la demande du lobby nucléaire par les responsables politiques est immense et il va de soi que si un accident se produisait, ils en porteraient une responsabilité qui ne serait pas seulement morale. Dans tous les cas, ils porteront pour l'histoire la responsabilité d'une génération de dirigeants qui n'a pas compris la transformation du monde, a cru que communication pouvait longtemps dissimuler inaction et contre-action et qui se trouvera confrontée très rapidement à une réaction de la société civile qui refusera toute électricité qui ne sera pas verte...

Corinne Lepage Avocate, Ancienne députée européenne Cap21, ancienne ministre de l'Environnement

Source : Huffington Post

https://www.huffingtonpost.fr/corinne-lepage/le-lobby-nucleaire-est-aux-commandes-au-mepris-de-la-securite-des-francais_a_23550523/

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L’économie et l’écologie sont-elles conciliables ?

11 Septembre 2018, 15:13pm

Publié par Corinne Lepage

REPENSER L’ÉCONOMIE – Mettre au point une régulation adaptée, favoriser l’économie circulaire, développer la sobriété. Deux experts, Corinne Lepage avocate spécialisée dans la protection de l’environnement et Antoine Frérot, PDG de Veolia –, débattent des moyens de rendre compatibles développement économique et respect de l’environnement.

Recueilli par Antoine d’Abbundo et Jean-Claude Bourbon

 

Plus de sobriété et moins de gaspillage, une solution au changement climatique.

Plus de sobriété et moins de gaspillage, une solution au changement climatique.

La Croix : Trois ans après l’accord de Paris sur le climat, la situation est-elle aussi désespérée que certains l’affirment ?

Corinne Lepage : Je suis juriste, pas scientifique, mais toutes les études montrent que nous connaissons une dégradation accélérée préoccupante. C’est vrai pour le climat, mais aussi pour la biodiversité et les ressources naturelles – l’eau, l’air, les sols. En 1995, lorsque j’étais ministre de l’environnement, les prévisions pessimistes évoquaient une augmentation moyenne de 1,5 °C pour 2100. La hausse atteint déjà 1,2 °C et un scénario à plus 3 °C ou 4 °C en 2100 n’est pas à exclure si l’on ne réagit pas plus et vite.

i Pourquoi lire La Croix ?
  • La Croix choisit dans le flot de l'actualité des pépites à mettre en lumière, en privilégiant le recul et l'analyse.
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  • La Croix met en valeur les lieux ou les sujets où se joue la dignité des hommes et des femmes de ce temps.
  • La Croix va sur le terrain, et met en lumière des acteurs de l'actualité, célèbres ou modestes.
  • La Croix vous donne, au quotidien, des raisons d'espérer.
+
 

Antoine Frérot : Je partage cette préoccupation et mesure les enjeux, mais je ne fais pas de constat désespéré. Je reste convaincu que nous avons les moyens et les solutions pour une organisation de la vie et de l’économie, au niveau mondial, compatible avec le respect de la planète.

Pourquoi est-il si difficile d’avancer sur ce sujet ?

C. L. : La COP21 a été un succès de la diplomatie française. Mais pour trouver un accord entre tous les États, on a dû faire des concessions, en particulier aux pays producteurs de pétrole. Surtout, on n’a pas réussi à imposer des engagements contraignants et sanctionnés. Du coup, l’accord n’a pas été suivi d’effets suffisants car le poids des industries fossiles demeure puissant. Ajoutons les politiques à géométrie variable de certains pays comme les États-Unis de Donald Trump, sortis de l’accord de Paris.

Malgré tout, les choses bougent. Des coalitions de villes ou de régions deviennent des acteurs très actifs de la transition énergétique sur leur territoire. Des compagnies comme E.ON, Engie et Total réorientent une partie de leurs activités dans les renouvelables. Dans tous les secteurs, de la finance à l’agriculture, une nouvelle économie se met en place.

A. F. : Le problème posé par les émissions de gaz à effet de serre est par définition global. Pour le régler, il faut un large consensus. C’est la première difficulté. La mise en place de solutions à long terme a aussi un coût social, économique, sociétal sur le court terme. Il faut du courage pour poser les premiers jalons d’une action dont les résultats ne se verront pas tout de suite.

Ainsi, la décision du gouvernement français d’arrêter les centrales à charbon avant la fin du quinquennat va avoir des conséquences immédiates négatives sur l’emploi et la vie économique des territoires concernés. Assumer cela, trouver des compensations, n’est pas si simple. Voilà pourquoi il est difficile d’avancer. Il faut le faire avec méthode, systématiquement, avec des progrès continus, et persévérer durant de nombreuses années.

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La mutation indispensable pour stopper le réchauffement climatique est-elle compatible avec le modèle libéral fondé sur une croissance matérielle continue ?

C. L. : On constate que oui dans la pratique. Prenez l’exemple du fonds souverain norvégien, l’un des plus puissants du monde grâce à l’argent du pétrole et du gaz. Il s’inscrit pleinement dans le système capitaliste et passe pourtant pour l’un des plus vertueux par ses choix d’investissements non productivistes. On peut aussi évoquer les fondations qui permettent aux entreprises de travailler avec ce que l’on appelle une « finance patiente ».

Une chose est sûre : parler de croissance infinie est une aberration puisque les ressources de la planète sont limitées. De même, prôner la décroissance à l’échelle planétaire me paraît compliqué alors que la population mondiale ne cesse d’augmenter – de 7,5 milliards aujourd’hui à 10 milliards en 2050 – et que les pays du Sud ont des besoins colossaux.

A. F. : Il n’y a pas d’incompatibilité entre un développement économique et le respect de l’environnement. À condition d’être raisonnable et de trouver les bons compromis pour soutenir les deux objectifs.

Il y a quelques années, le monde était confronté à deux problèmes présentés comme insurmontables : les pluies acides et le trou dans la couche d’ozone. Une réglementation adaptée et des solutions techniques ont finalement permis d’y faire face.

Une régulation efficace, les progrès des connaissances, le développement technique, plus de sobriété et moins de gaspillage permettront de trouver la solution au changement climatique.

 

 

 

Les entreprises ont-elles suffisamment pris conscience de leurs responsabilités sociétale et environnementale ?

A. F. : Pour les entreprises, la protection de l’environnement n’est plus la cerise sur le gâteau, mais un vrai enjeu : une opportunité pour certaines, un moyen de se démarquer de la concurrence pour d’autres ou, à tout le moins, une contrainte stratégique. La plupart ont compris que, si elles n’y prennent garde, elles feront face à un risque de réputation qui peut être économiquement mortel.

C. L. : C’est vrai, beaucoup d’entreprises ont évolué. On peut citer en exemple le Mouvement des entrepreneurs de la nouvelle économie, créé en 2015, qui rassemble plus de 10 000 PME, start-up ou entrepreneurs individuels, de tous les secteurs participant à l’économie verte.

Pour les grandes entreprises, la situation dépend beaucoup de la structure et des exigences de leur actionnariat qui leur permet, ou non, de s’inscrire dans le long terme.

Certaines ont encore des comportements indécents – le pétrolier Exxon, par exemple, qui a financé pendant des années des études niant le changement climatique, ou l’agrochimiste Monsanto mis en cause dans de nombreux procès.

Mais pour nombre d’entre elles, la responsabilité sociétale des entreprises est une préoccupation croissante.

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Beaucoup de secteurs – automobile, banques, énergie, agroalimentaire, chimie – sont encore des freins au changement. Comment les faire bouger : par la réglementation ou la responsabilisation ?

C. L. : L’appel à la responsabilité, ça ne marche pas. Les deux choses qui marchent sont la responsabilité personnelle et le porte-monnaie. Quand les dirigeants doivent répondre d’agissements fautifs, ils font plus attention. Et quand on touche au porte-monnaie d’une entreprise, elle change.

Il y a plusieurs manières de s’y prendre. D’abord, par l’angle des consommateurs, via les campagnes de boycott – interdites en Europe –, les actions de classe devant la justice – aux États-Unis, c’est très efficace – ou le « name and shame » qui consiste à pointer du doigt publiquement celles qui se comportent mal.

La deuxième méthode appelée « internalisation des coûts externes » dépend de l’État. Concrètement, il s’agit d’intégrer dans le prix d’un produit ce qu’il coûte vraiment à la société. On peut citer en exemple la taxe carbone.

Enfin, la troisième manière est de faire payer aux responsables les dommages qu’ils ont créés, ce qui est très difficile en Europe parce que la charge de la preuve repose principalement sur la victime, alors que le système judiciaire américain s’y prête beaucoup mieux.

A. F. : Les progrès environnementaux sont presque toujours les conséquences d’une régulation adaptée. Utilisons les recettes qui ont marché dans le passé. Pour l’eau, on a appliqué des redevances aux pollueurs. Pour l’air, il faut travailler à la mise en place d’une taxe carbone qui inciterait tous les pollueurs à émettre moins de CO2.

Une autre solution est de favoriser l’économie circulaire. Fabriquer une bouteille d’eau à partir de plastique recyclé, c’est 70 % d’émissions de CO2 en moins.

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L’urgence appelle des solutions radicales, mais le pragmatisme incite à mener une politique du pas à pas. À quel rythme avancer ?

A. F. : Je ne crois pas aux solutions radicales, car elles sont impossibles à mettre en œuvre et l’impatience est mauvaise conseillère. Les choses avancent lentement mais elles avancent. Excepté les gaz à effet de serre, nous avons fait beaucoup de progrès en matière d’environnement depuis quarante ans. Un exemple : en 1975, il n’y avait presque plus de poissons dans la Seine. On en compte désormais une quarantaine d’espèces grâce aux traitements des pollutions industrielle et domestique.

C. L. : Les petits pas ne suffisent pas même si c’est toujours mieux que les pas en arrière. Ce qu’il faut, c’est définir un objectif politique et fixer, étape par étape, le calendrier pour y parvenir en se dotant des moyens nécessaires pour s’adapter et rendre le changement acceptable.

Les citoyens sont-ils prêts à changer de mode de vie ?

C. L. : Oui, si l’on rend les choses possibles, financièrement, techniquement et culturellement. La France compte 8 millions de pauvres. Comment leur demander de consommer des produits bio s’ils ne peuvent pas se les payer ? Le bio devrait être moins cher que l’agriculture conventionnelle qui est beaucoup plus subventionnée. De même, il faut mettre à disposition des solutions techniques simples et efficaces. En zone rurale, qui va acheter une voiture électrique à faible autonomie ? Enfin, il faut changer les imaginaires d’une société où l’idéal est de consommer toujours plus. L’écologie politique doit apprendre à vendre non pas du « moins », mais du « mieux ».

A. F. : L’enquête que Veolia a réalisée au début de l’année dans 28 pays montre qu’il y a une prise de conscience très large sur les questions environnementales. Mais les citoyens ne sont pas toujours prêts à faire des sacrifices pour tout. Pour les convaincre, il faut poursuivre le débat sur la place publique, faire de la pédagogie et quitter les postures pour viser l’efficacité.

 

Recueilli par Antoine d’Abbundo et Jean-Claude Bourbon

Source : La Croix

https://www.la-croix.com/Economie/Economie-et-entreprises/VIDEO-Leconomie-lecologie-sont-elles-conciliables-2018-09-11-1200967814

Bio express

Corinne Lepage : Docteur en droit, Corinne Lepage, 67 ans, dirige le cabinet Huglo-Lepage cofondé en 1978. Elle s’est fait connaître par la défense des sinistrés de marées noires suite aux naufrages de l’Amoco Cadiz en 1978 et de l’Erika en 1999. Cofondatrice de Génération écologie en 1989, elle devient ministre de l’environnement de 1995 à 1997 et prend la tête du parti écologiste Cap21. Députée européenne MoDem de 2009 à 2014, elle préside aujourd’hui diverses associations dans le domaine de l’énergie, de la santé environnementale, de la nouvelle économie et de l’éthique.

Antoine Frérot : Âgé de 60 ans, ce diplômé de Polytechnique et ingénieur du corps des Ponts et Chaussées, est entré en 1990 dans le groupe Veolia, alors Compagnie générale des eaux, comme chargé de mission avant de gravir très vite les échelons. En 1995, il a en charge la branche transports puis devient en 2003 le patron de la branche eau et le numéro deux du groupe. Il a été nommé PDG en 2010. Antoine Frérot est également le président de l’Institut de l’entreprise.

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"François de Rugy va devoir apporter la preuve de sa crédibilité", Corinne Lepage

4 Septembre 2018, 14:33pm

Publié par Corinne Lepage

Suite à la nomination de François de Rugy, Corinne Lepage ne s'attend pas à une révolution dans la politique du gouvernement. Elle espère toutefois que cet écologiste saura obtenir des arbitrages favorables dans l'énergie et la santé.

Alors qu'Emmanuel Macron avait choisi un homme connu, engagé, provenant de la société civile pour porter les questions environnementales de son Gouvernement, cette fois-ci, il a choisi un profil plus politique, moins connu du grand public mais qui s'est toujours consacré à ces questions. "Quoi qu'on en dise, c'est un écologiste convaincu mais modéré, il est légitime", estime Corinne Lepage, avocate et ancienne ministre de l'environnement dans une interview accordée à Actu-environnement. Il n'a pas l'ambition de changer le modèle, ce n'est pas sa ligne de conduite, contrairement à Nicolas Hulot".

Le nouveau ministre de la Transition écologique et solidaire va devoir très vite faire ses preuves sur des sujets majeurs comme le nucléaire. La fermeture des anciennes centrales et l'ouverture de nouvelles sont au cœur du dossier PPE. Corinne Lepage attend également de lui des arbitrages favorables sur la santé-environnement.

"Le nouveau ministre a pour lui le soutien de plusieurs parlementaires", lui reconnaît l'avocate, contrairement à Nicolas Hulot qui "était seul. Nicolas Hulot n'a pas eu le soutien auquel il pouvait s'attendre. Sa cote de popularité a baissé au fur et à mesure qu'il perdait les arbitrages", analyse Mme Lepage. "Je comprends sa démis14sion. Il ne pouvait plus se mentir".

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