Nomination d'Elisabeth Borne: l'écologie est réduite à de la communication en macronie
La nomination d’une technocrate, habituée à obéir aux instructions du pouvoir, ne laisse aucun doute sur le fait que la marge de manœuvre réelle de la ministre sera inexistante. Le vrai ministre de l’écologie sera le Président. Qui poursuit depuis deux ans une œuvre de déconstruction du droit de l’environnement.
Le départ de François de Rugy, mis dans l’impossibilité de poursuivre sa tâche avec un rapport de force suffisant, aurait pu être l’occasion de mettre, pour une fois, les actes en accord avec les paroles et trouver un successeur à François de Rugy qui symbolise la priorité affichée en faveur de l’écologie pour l’acte deux du quinquennat. Ce n’est manifestement pas le choix qui a été fait! Sans qu’il n’y ait rien à redire à titre personnel contre Élisabeth Borne, force est de constater qu’elle n’a dans sa vie de technocrate jamais manifesté une sensibilité réelle à la cause écologique (la stratégie de la SNCF dans laquelle semble-t-il le terme de développement durable ne figure même pas, en est le signe) et surtout ne dispose en aucune manière du poids politique suffisant pour pouvoir s’imposer face à ses collègues, à commencer bien entendu par ceux de Bercy et face à tous les lobbys qui bénéficient d’une oreille très attentive au sein de l’appareil d’État.
La nomination d’une technocrate, habituée à obéir aux instructions du pouvoir politique, ne laisse absolument aucun doute sur le fait que la marge de manœuvre réelle de la ministre sera inexistante et qu’en réalité le vrai ministre de l’écologie sera le Président de la République qui se veut en être le chantre au niveau international mais qui poursuit en réalité depuis deux ans une œuvre de déconstruction systématique du droit de l’environnement en France. Les bilans cumulés de Nicolas Hulot et François de Rugy sont extrêmement faibles alors qu’ils avaient, et en particulier pour le premier d’entre eux, un véritable poids politique et qu’ils étaient ministres d’État, un symbole fort dans l’architecture gouvernementale. Las d’avaler les couleuvres qu’il devait de surcroît présenter comme autant de progrès, Nicolas Hulot, par honnêteté, a jeté l’éponge. François de Rugy ne sera pas parvenu à obtenir de véritables arbitrages positifs. Désormais, rétrogradée au rang d’un ministère “normal”, l’écologie ne sera plus qu’une administration sans réel rapport de force en sa faveur.
Désormais, rétrogradée au rang d’un ministère “normal”, l’écologie ne sera plus qu’une administration sans réel rapport de force en sa faveur. Le Président de la République se veut être le chantre de l'écologie au niveau international mais poursuit depuis deux ans une œuvre de déconstruction systématique du droit de l’environnement en France.
Il ne s’agit donc en réalité que de l’illustration d’une réalité qui est celle de la macronie: réduite à une écologie de communication. S’appuyant sur quelques mesures présentées comme “révolutionnaires” alors qu’elles ne sont que très modestes par rapport à ce que font nos voisins européens, cette écologie de la communication dissimule en réalité une déconstruction systématique, parfaitement pensée du droit de l’environnement, et un écart croissant avec nos engagements communautaires. Dans une tribune publiée dans le journal Le Monde (25 juin 2019), cosignée avec les plus grands professeurs de droit de la place, nous avions mis en exergue les régressions majeures auxquels il a été procédé depuis deux ans ou qui sont dans les tuyaux: sans prétendre à l’exhaustivité, la suppression programmée de la commission nationale du débat public, la suppression des enquêtes publiques qui existent depuis la révolution française, la réduction massive du champ d’application des études d’impact (qui a donné lieu à une mise en demeure de l’union européenne), la réduction drastique des installations soumises à autorisation au titre de la législation des installations classées, la réduction de la protection des sites naturels classés et inscrits, la portion congrue laissée aux énergies renouvelables (pour permettre de relancer un programme nucléaire devenu irréalisable sur le plan technique et totalement incongru sur le plan financier et de sa rentabilité).
L’État est redevenu, comme il l’était dans les années 70, le soutien très actif des grands lobbys autoroutiers, automobiles, chimiques, agricoles, de la chasse.
À ceci s’ajoutent la possibilité de ne pas appliquer le droit de l’environnement au bon vouloir des préfets, des autorisations données pour des projets carbonophages et serial killer de la biodiversité (Europa City, contournement de Strasbourg, autoroute en Camargue parmi bien d’autres), une politique lamentable en termes de santé environnement stigmatisée par le commissariat général au développement durable, le maintien des pesticides toxiques –le monde à l’envers– l’État qui veut poursuivre les maires qui interdisent les pesticides sur leur territoire, des engagements non tenus en ce qui concerne la rénovation des bâtiments, les subventions dues à l’agriculture biologique, l’autorisation de chasser des espèces protégées, sans oublier la catastrophe que représentent le CETA et le Mercosur, traités soutenus désormais par Emmanuel Macron, après avoir “vendu” ces accords contre le plat de lentilles que constitue l’engagement de M. Bolsonaro de suivre les accords de Paris, engagement qu’il n’a jamais tenu et qu’il n’a pas davantage l’intention de tenir… aucun domaine du droit de l’environnement n’a échappé à la destruction.
Il est bien peu probable que le nouveau titulaire du ministère de l’écologie puisse imposer, notamment à la citadelle de Bercy qui désormais tient tous les leviers du pouvoir, quoi que ce soit en faveur d’une transition réelle.
L’État est redevenu, comme il l’était dans les années 70, le soutien très actif des grands lobbys autoroutiers, automobiles, chimiques, agricoles, de la chasse etc. Avec 2 différences majeures: les années 70 ont été des années de grands progrès du droit de l’environnement et, quant à la fin des années 2010, elles ont subi les bouleversements climatiques, en termes de biodiversité et en termes de pollution chimique. Aujourd’hui s’impose une transformation rapide de nos modes de vie, de production et de consommation et surtout l’impérieuse nécessité d’arrêter de faire le contraire de ce qu’il faudrait. Pour y parvenir, il faut entraîner la société, mettre en place les mécanismes financiers adéquats, renforcer tous les mécanismes de protection au lieu de les supprimer.
Il est bien peu probable que le nouveau titulaire du ministère de l’écologie puisse imposer, notamment à la citadelle de Bercy qui désormais tient tous les leviers du pouvoir, quoi que ce soit en faveur d’une transition réelle. Au moins, les choses seront claires et la société civile a parfaitement compris qu’elle ne peut compter que sur elle-même pour engager les transformations nécessaires à notre survie.
Source : Huffington Post