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Cap21 LRC Toulouse

La transition écologique n'est pas une option. C'est une nécessité absolue

7 Décembre 2018, 14:33pm

Publié par Corinne Lepage

La violence doit évidemment cesser, mais la révolte des gilets jaunes doit être une chance de lier transition écologique et justice sociale.

Cette transition est riche d'emplois, de nouvelles activités, d'une meilleure vie

Cette transition est riche d'emplois, de nouvelles activités, d'une meilleure vie

L'urgence de la transition écologique est la même que l'urgence sociale. On ne peut dissocier l'une de l'autre il n'y aura pas de transition écologique sans justice sociale et la justice sociale impose la transition écologique.

Il est tragique que le point de départ de la révolte des gilets jaunes ait porté sur la taxe carbone. Cela s'explique par le coût des carburants devenu insupportable pour nombre de nos concitoyens qui ne peuvent se passer de leur voiture. Mais, si cette taxe a été le détonateur, elle n'est évidemment pas la cause de la révolte actuelle.

Le moratoire- était inévitable même s'il n'était pas susceptible de calmer la colère des gilets jaunes qui remettent en cause le système, c'est-à-dire des années de réduction de leur niveau de vie et de croissance des inégalités. L'annulation est une faute grave, les commentaires autour des raisons qui ont fait hésiter le pouvoir autour de la taxe carbone sont catastrophiques. En effet, les tergiversations de l'exécutif n'avaient pas pour cause l'abandon d'un élément majeur de la transition énergétique; ils avaient pour cause le déficit des finances publiques! Ce qui ne fait que conforter l'idée que la taxe carbone était un choix de finances publiques et non de transition écologique celle-ci n'étant en réalité qu'un prétexte pour réduire le déficit de l'État.

C'est bien ce que nombre d'écologistes avaient perçu en réclamant à corps et à cris que les sommes perçues au titre de la taxe carbone soient entièrement affectées à la transition écologique et non pas déficit de l'État.

La transition écologique n'est pas une option. C'est une nécessité absolue et pour cette raison elle ne peut se faire qu'avec l'ensemble de nos concitoyens et dans la cohérence de l'action publique. Or, ni l'une ni l'autre de ces obligations n'est ici remplie.

Tout d'abord, la transition ne peut s'accompagner que de justice sociale et fiscale. Ce n'est manifestement pas le cas lorsque la fiscalité indirecte prend le pas sur la fiscalité directe sans qu'aucune mesure de compensation liée à la situation financière des contribuables ne soit prise en compte. La transition doit être possible ce qui signifie que financièrement nos concitoyens doivent pouvoir y faire face. Or, une comptabilité intelligente, qui intègre les coûts et les avantages externes, permettrait très vite de constater l'avantage collectif qu'il y à dépenser dans la transition énergétique pour économiser.

Malheureusement, tant que Bercy qui est responsable d'une situation financière totalement dégradée, d'une fiscalité aberrante et d'un chômage de masse continuera à être à la manœuvre, rien ne changera. C'est probablement là que doit se faire la première réforme institutionnelle, sans doute moins visible pour nos concitoyens que d'autres mais infiniment plus efficace. La mainmise des grands corps de l'État sur tous les choix y compris par la direction de grandes entreprises anciennement publiques est un drame français qui qui nous a conduit à l'impasse dans laquelle nous nous trouvons.

La montée en puissance de la société civile doit être celle des innovateurs, des start-upers, des entrepreneurs et de toutes les équipes qui les entourent pour qu'enfin des règles et une fiscalité qui cessent de favoriser les établissements financiers et le CAC 40 se mettent en place. Les gilets jaunes sont pour l'essentiel ceux de nos concitoyens qui travaillent mais dans l'extrême difficulté et sur les épaules desquels repose une grande part de nos activités. N'oublions pas non plus tout ceux sans lesquels la France ne pourrait pas fonctionner et qui sont pourtant sous-payés et peu considérés: policiers, magistrats, infirmiers, personnels hospitaliers, enseignants dont les moyens et les salaires ont été bridés depuis des années rendant difficile l'accès aux services publics qui bénéficient d'abord précisément aux plus modestes d'entre nous.

C'est avec cette France qu'il faut fixer les bases d'une transition inévitable, qui nous est imposée par les dérèglements que l'humanité s'est crée à elle-même. La bonne nouvelle c'est que cette transition est riche d'emplois, de nouvelles activités, d'une meilleure vie parce que dotée de sens, de santé et de rapport à la nature et aux autres. Mais, tout ceci est aujourd'hui inaudible en particulier parce qu'il n'y a aucune cohérence dans l'action publique.

En effet, il est indispensable d'avoir un prix du carbone parce que si on veut réduire l'usage des hydrocarbures, favoriser l'activité économique locale, favoriser les produits locaux, il faut que le prix des produits intègre le coût du carbone. La taxe est le moyen de le faire mais elle est aujourd'hui partielle puisqu'elle ne concerne pas toute l'activité économique; il n'y a pas que le transport. La taxe carbone est aussi un moyen de développer les énergies renouvelables sauf que malheureusement en France, l'État EDF sape depuis 20 ans tous les efforts de développement de filières françaises dans les énergies renouvelables; de même, le prix de l'électricité verte qui baisse constamment est en compétition avec l'électricité nucléaire qui elle ne paye ni ses déchets, ni le démantèlement, ni la pollution radioactive, ni l'assurance contre un éventuel accident. Incohérence.

On taxe le carbone mais on autorise dans le même temps toute une série d'opérations qui certes favorisent les grands groupes (qui ne payent pas ou peu d'impôts en France) mais sont incompatibles avec la lutte contre le dérèglement climatique: nouvelles routes, nouveaux aéroports, nouveaux forages pétroliers, usine utilisant l'huile de palme venue du bout du monde après la déforestation de la forêt primaire, projet de la montagne d'or etc.

Les exemples de projets contre-productifs, très peu créateurs d'emploi (sauf pour le BTP mais, cette activité pourrait servir à créer les infrastructures indispensables à la transition et à réaliser un programme très ambitieux de rénovation des bâtiments) sont légion et c'est la raison pour laquelle la conversion de la France à la transition écologique est purement virtuelle.

Changeons de cap. Négocions avec l'Union européenne l'exclusion de tous les investissements en faveur de la transition de la fameuse règle des 3%. Créons un fonds ouvert aux particuliers, hors droits de succession comme la forêt, qui permettrait de bloquer durant 30 ans des fonds uniquement destinés à financer une transition indispensable pour tous. Innovons en matière financière pour multiplier les tiers-payeurs capables de préfinancer les transformations indispensables pour tous nos concitoyens qui ne peuvent assumer le préfinancement. Les solutions sont très nombreuses et pour la plupart connues.

Changeons de cap, modifions la Constitution non pas pour réduire les pouvoirs du parlement mais pour accroître ceux des citoyens; voilà des années que certains dont je fais partie réclament des modifications simples: référendum d'initiative populaire réel, train de décentralisation avec un renforcement des droits des citoyens au niveau local, proportionnelle, reconnaissance du vote blanc etc.

La violence doit évidemment cesser et c'est un préalable car il ne peut y avoir de démocratie sans respect de l'ordre républicain. Mais, cette révolte des gilets jaunes doit être regardée comme une chance de mettre les sujets sur la table, de sortir d'une forme de mépris de ceux qui croient tout savoir, de lier transition écologique et justice sociale et de faire en sorte que notre pays qui a tous les atouts puisse devenir réellement un exemple réussi de ce double objectif dont l'urgence est évidente.

 

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