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Cap21 LRC Toulouse

Nomination d'Elisabeth Borne: l'écologie est réduite à de la communication en macronie

17 Juillet 2019, 19:32pm

Publié par Corinne Lepage

Nomination d'Elisabeth Borne: l'écologie est réduite à de la communication en macronie

La nomination d’une technocrate, habituée à obéir aux instructions du pouvoir, ne laisse aucun doute sur le fait que la marge de manœuvre réelle de la ministre sera inexistante. Le vrai ministre de l’écologie sera le Président. Qui poursuit depuis deux ans une œuvre de déconstruction du droit de l’environnement.

 

 

Le départ de François de Rugy, mis dans l’impossibilité de poursuivre sa tâche avec un rapport de force suffisant, aurait pu être l’occasion de mettre, pour une fois, les actes en accord avec les paroles et trouver un successeur à François de Rugy qui symbolise la priorité affichée en faveur de l’écologie pour l’acte deux du quinquennat. Ce n’est manifestement pas le choix qui a été fait! Sans qu’il n’y ait rien à redire à titre personnel contre Élisabeth Borne, force est de constater qu’elle n’a dans sa vie de technocrate jamais manifesté une sensibilité réelle à la cause écologique (la stratégie de la SNCF dans laquelle semble-t-il le terme de développement durable ne figure même pas, en est le signe) et surtout ne dispose en aucune manière du poids politique suffisant pour pouvoir s’imposer face à ses collègues, à commencer bien entendu par ceux de Bercy et face à tous les lobbys qui bénéficient d’une oreille très attentive au sein de l’appareil d’État.

La nomination d’une technocrate, habituée à obéir aux instructions du pouvoir politique, ne laisse absolument aucun doute sur le fait que la marge de manœuvre réelle de la ministre sera inexistante et qu’en réalité le vrai ministre de l’écologie sera le Président de la République qui se veut en être le chantre au niveau international mais qui poursuit en réalité depuis deux ans une œuvre de déconstruction systématique du droit de l’environnement en France. Les bilans cumulés de Nicolas Hulot et François de Rugy sont extrêmement faibles alors qu’ils avaient, et en particulier pour le premier d’entre eux, un véritable poids politique et qu’ils étaient ministres d’État, un symbole fort dans l’architecture gouvernementale. Las d’avaler les couleuvres qu’il devait de surcroît présenter comme autant de progrès, Nicolas Hulot, par honnêteté, a jeté l’éponge. François de Rugy ne sera pas parvenu à obtenir de véritables arbitrages positifs. Désormais, rétrogradée au rang d’un ministère “normal”, l’écologie ne sera plus qu’une administration sans réel rapport de force en sa faveur.

Désormais, rétrogradée au rang d’un ministère “normal”, l’écologie ne sera plus qu’une administration sans réel rapport de force en sa faveur. Le Président de la République se veut être le chantre de l'écologie au niveau international mais poursuit depuis deux ans une œuvre de déconstruction systématique du droit de l’environnement en France.

Il ne s’agit donc en réalité que de l’illustration d’une réalité qui est celle de la macronie: réduite à une écologie de communication. S’appuyant sur quelques mesures présentées comme “révolutionnaires” alors qu’elles ne sont que très modestes par rapport à ce que font nos voisins européens, cette écologie de la communication dissimule en réalité une déconstruction systématique, parfaitement pensée du droit de l’environnement, et un écart croissant avec nos engagements communautaires. Dans une tribune publiée dans le journal Le Monde (25 juin 2019), cosignée avec les plus grands professeurs de droit de la place, nous avions mis en exergue les régressions majeures auxquels il a été procédé depuis deux ans ou qui sont dans les tuyaux: sans prétendre à l’exhaustivité, la suppression programmée de la commission nationale du débat public, la suppression des enquêtes publiques qui existent depuis la révolution française, la réduction massive du champ d’application des études d’impact (qui a donné lieu à une mise en demeure de l’union européenne), la réduction drastique des installations soumises à autorisation au titre de la législation des installations classées, la réduction de la protection des sites naturels classés et inscrits, la portion congrue laissée aux énergies renouvelables (pour permettre de relancer un programme nucléaire devenu irréalisable sur le plan technique et totalement incongru sur le plan financier et de sa rentabilité).

L’État est redevenu, comme il l’était dans les années 70, le soutien très actif des grands lobbys autoroutiers, automobiles, chimiques, agricoles, de la chasse.

À ceci s’ajoutent la possibilité de ne pas appliquer le droit de l’environnement au bon vouloir des préfets, des autorisations données pour des projets carbonophages et serial killer de la biodiversité (Europa City, contournement de Strasbourg, autoroute en Camargue parmi bien d’autres), une politique lamentable en termes de santé environnement stigmatisée par le commissariat général au développement durable, le maintien des pesticides toxiques –le monde à l’envers– l’État qui veut poursuivre les maires qui interdisent les pesticides sur leur territoire, des engagements non tenus en ce qui concerne la rénovation des bâtiments, les subventions dues à l’agriculture biologique, l’autorisation de chasser des espèces protégées, sans oublier la catastrophe que représentent le CETA et le Mercosur, traités soutenus désormais par Emmanuel Macron, après avoir “vendu” ces accords contre le plat de lentilles que constitue l’engagement de M. Bolsonaro de suivre les accords de Paris, engagement qu’il n’a jamais tenu et qu’il n’a pas davantage l’intention de tenir… aucun domaine du droit de l’environnement n’a échappé à la destruction.

Il est bien peu probable que le nouveau titulaire du ministère de l’écologie puisse imposer, notamment à la citadelle de Bercy qui désormais tient tous les leviers du pouvoir, quoi que ce soit en faveur d’une transition réelle.

L’État est redevenu, comme il l’était dans les années 70, le soutien très actif des grands lobbys autoroutiers, automobiles, chimiques, agricoles, de la chasse etc. Avec 2 différences majeures: les années 70 ont été des années de grands progrès du droit de l’environnement et, quant à la fin des années 2010, elles ont subi les bouleversements climatiques, en termes de biodiversité et en termes de pollution chimique. Aujourd’hui s’impose une transformation rapide de nos modes de vie, de production et de consommation et surtout l’impérieuse nécessité d’arrêter de faire le contraire de ce qu’il faudrait. Pour y parvenir, il faut entraîner la société, mettre en place les mécanismes financiers adéquats, renforcer tous les mécanismes de protection au lieu de les supprimer.

Il est bien peu probable que le nouveau titulaire du ministère de l’écologie puisse imposer, notamment à la citadelle de Bercy qui désormais tient tous les leviers du pouvoir, quoi que ce soit en faveur d’une transition réelle. Au moins, les choses seront claires et la société civile a parfaitement compris qu’elle ne peut compter que sur elle-même pour engager les transformations nécessaires à notre survie. 

Corinne Lepage

Avocate, ancienne députée européenne, ancienne ministre de l'Environnement

 

Source : Huffington Post

https://www.huffingtonpost.fr/entry/nomination-delisabeth-borne-lecologie-reduite-a-de-la-communication-en-macronie_fr_5d2f6225e4b02fd71dde890f?utm_hp_ref=fr-homepage

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Pourquoi l’écologie ne devrait pas être partisane

10 Juillet 2019, 14:21pm

Publié par Corinne Lepage

Pourquoi l’écologie ne devrait pas être partisane

En soutenant que l’écologie n’est nide gauche ni de droite, Yannick Jadot a rejoint la philosophie que nous partageons à CAP 21 depuis 20 ans. En effet, l’écologie étant à elle-seule un immense projet politique, elle n’appartient à aucun bloc. Mais elle peut en revanche emprunter aux valeurs de l’un et de l’autre.

Pour autant, cette affirmation choque nombre d’écologistes qui considèrent qu’il ne peut y avoir d’écologie qu’à gauche. Théoriquement, ils ont tort. En effet, les valeurs de la droite n’excluent en aucune manière a priori l’écologie. Au contraire, le souci d’ordre et de conservation, l’importance donnée aux racines,recouvrent une part non négligeable du substrat de l’écologie, en particulier dans sa dimension de droit de la protection de la nature et du cadre de vie. Du reste, on peut noter que l’importance croissante donnée à la préservation de la biodiversité, mise en péril comme peuvent l’être un certain nombre des structures sociétales héritées du passé et en particulier la famille -et tant mieux pour le droit des femmes, des minorités,…-, devrait conduire à renforcer ce lien ontologique. Du reste, dans les années 70, les grandes lois environnementales, études d’impact, installations classées, littoral, eau, déchets ont toutes été votées par des majorités de droite.

Mais force est de constater que ces valeurs d’ordre et de conservation sont aujourd’hui très éloignées des valeurs des partisde la droite libérale, voire ultralibérale qui considèrent la financiarisation de l’économie comme un progrès et regarde comme un sacrilège le fait de mettre en cause l’industrie, les produits toxiques, les industries pétrolières et a fortiori nucléaires. Parfois proche du climatoscepticisme comme l’illustre le dernier numéro de valeurs actuelles et en tout cas critique virulente du principe de précaution,(pourtant inscrit dans la constitution par Jacques Chirac, dont l’ancien président de l’Assemblée nationale Bernard Accoyer considérait qu’il avait été « marabouté » par Nicolas Hulot), cette droite nie les impacts environnementaux et sanitaires du développement actuel, souhaite donner beaucoup plus de temps à une transition qu’elle considère comme largement inutile et surtout se fait le soutien et parfois même le porte-parole de lobbys responsables de la dégradation actuelle. Ayant siégé cinq ans au Parlement européen, je peux attester de ce que l’immense majorité des députés du PPE-et du reste très souvent ceux qui siégeaient à la droite de celui-ci-ont été des alliés extrêmement fidèles de l’agrochimie, de l’huile de palme, des constructeurs automobiles, des pétroliers etc… Dans ces conditions, il est effectivement assez difficile d’envisager, au moins en France, que les partis de droite puissent légitimer une écologie dite de droite. C’est d’autant plus vrai dans notre pays que la droite n’a jamais voulu que puisse exister à ses côtés un parti écologiste digne de ce nom. Alors que François Mitterrand avait compris dès 1989 l’intérêt qu’il pouvait y avoir pour le parti socialiste de susciter un parti écologiste. A ainsi été créé Génération écologie. Depuis, c’est le parti socialiste qui a permis aux Verts d’exister, grâce à des alliances électorales que la droite et le centre n’ont jamais voulu faire.

Dans ces conditions, et même s’il ne faut pas confondre valeurs de droite et partis de droite, l’éloignement des partis actuels de certaines valeurs de la droite -ce qui n’était pas forcément le cas des gaullistes en particuliers sociaux-rend incompatible le projet écologiste et la droite prise dans son ensemble.

Pour autant, est-ce définitif ? Il est indéniable qu’un certain nombre de personnalités de droite ou de centre-droit comme Jean-Louis Borloo, Chantal Jouanno, Nathalie Kosciusko-Morizet ou encore le député Bertrand Pancher ou le sénateur FrançoisGrosdididier, ont une vraie fibre environnementale. Il est du reste à noter que pour les plus notables, ils ont tous étés écartés… Il est non moins certain que la question environnementale est devenue désormais un sujet majeur pour tous les citoyens et nul ne peut douter que la canicule de l’été 2019 sera un révélateur supplémentaire, après la question de la pollution de l’air et celle du glyphosate. La droite, dont la Refondation idéologique et politique est devenue aujourd’hui inéluctable sauf à disparaître, est à la croisée des chemins. Si elle persiste dans un anti-écologisme primaire qui caractérise nombre de ses membres, dans une vision dépassée de la priorité donnée à une industrie qui elle-même ne cherche qu’à se transformer, il est peu probable que l’opposition entre droite et écologie puisse être surmontée. Dans le cas contraire, des coalitions sur le modèle qui existe en Allemagne dans un certain nombre de Länder, dont les plus industriels comme le Bade Wurtemberg,pourraient voir le jour, offrant dans le même temps à l’écologie, un spectre politique beaucoup plus large.

Le greenwashing, que certains appellent aussi écologie positive, ne peut masquer la contre productivité d’une politique générale verdie avec quelques mesurettes ponctuelles.

Mais la solution ne dépend évidemment pas de l’écologie, dont je continue à penser qu’elle sera la grande force politique du XXIe siècle (je l’ai écrit dès la fin du XXe siècle). Pour convaincre davantage, ceux qui la défendent doivent se rappeler que d’être ni de droite ni de gauche mais devant, impose de se défaire d’un certain nombre d’œillères et de répondre aux besoins et aux aspirations du plus grand nombre, au-delà de la priorité donnée à une écologie partisane.

 
Source :  Atlantico
 

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