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Cap21 LRC Toulouse

Dans un an jour pour jour

8 Août 2013, 11:46am

Publié par Corinne Lepage

Dans un an jour pour jour, nous célébrerons les 100 ans du début de la Première Guerre Mondiale. Cette guerre a causé 10 millions de morts chez les soldats, le prétexte d'un génocide, plus de 7 millions de disparus et 21 millions de blessés. Première guerre mondiale, totale, de forme nouvelle dont Sarajevo n'a été que le déclencheur. La guerre couvait depuis de nombreuses années en raison des rivalités entre puissances coloniales européennes pour s'approprier des territoires. Notre continent connaissait aussi de nombreuses tensions sociales et dans le même temps la révolution hygiéniste commençait à porter ses fruits avec un changement important de la démographie européenne.

Les antagonismes et les rancœurs des précédents conflits ont conduit à une forte montée des nationalismes avant le conflit; les batailles de la Somme et la guerre d'usure des tranchées auront des effets comparables expliquant le traité de Versailles et sa suite inéluctable. Le "plus jamais cela" permettra l'émergence de l'outil Société Des Nations qui se révélera incapable d'éviter les totalitarismes en pleine contradiction avec la Charte puis la montée des périls. A l'oppression communiste en URSS répond l'apparition puis la progression du fascisme et du nazisme en jouant sur les peurs et la haine de l'autre. La deuxième guerre mondiale est inévitable, pire que la précédente par le nombre de victimes et l'invention de la Solution Finale qui reste inexplicable dans un pays civilisé. Parce qu'ils sont juifs, tziganes, homosexuels, handicapés mentaux, des enfants, des femmes et des hommes vont périr dans les camps de la mort.

L'Europe telle que nous la connaissons est née de cet enfer européen. Le "plus jamais cela" ne se limite pas à la naissance de l'ONU. Un noyau de quelques Hommes convaincus que l'humanisme peut l'emporter et l'intelligence d'une démocratie parlementaire qui ne cherchera pas à entretenir une rancœur inventeront la voie: les outils adéquats sont mis en place avec la CEDH, la CECA puis les communautés et enfin l'Union Européenne. Certes l'Europe naitra d'un seul côté du rideau de fer et cette balafre handicapera notre continent ; certes les dictatures ne tomberont pas toutes dans la foulée de la fin de la 2nde guerre mondiale. Mais là encore quand ces balafres s'estomperont, l'Europe hésitera mais accueillera les pays libérés du joug communiste et des dictatures en son sein. C'est ainsi que le système monétaire européen permettra à la RFA et à la RDA de se réunifier en maintenant la parité de change entre les deux marks. Néanmoins n'oublions jamais que dans la même décennie, l'Europe connaitra de nouveaux massacres en Yougoslavie avec Sarajevo une nouvelle fois au cœur de l'histoire. Et toute une génération de nos concitoyens qui sont allés faire la guerre en Yougoslavie n'oubliera jamais en plus d'avoir été la classe d'âge sacrifiée de la crise de 1993.

L'Union européenne reste une entité fragile, dès lors que les lames de fond se lèvent. Eviter à tout prix de rééditer les erreurs du passé. Depuis le début de la crise de la dette, les Etats se sont montrés égoïstes dans l'adversité et peu visionnaires. Ces égoïsmes ont créé des situations quasi inextricables par manque de solidarité initiale. En Grèce, Espagne et Italie, la plus grande partie de l'accroissement de la dette s'est faite que sur le dos des Etats et donc des contribuables au profit d'intérêts privés souvent venant des Etats qui se sont montrés les plus égoïstes. La réponse ne s'est pas fait attendre et les chimères de l'extrême gauche et de l'extrême droite sont vite réapparues. En Grèce, ils s'appellent Syriza et Aube dorée et se drapent dans une alternative d'une simplicité si déconcertante qu'elle ne peut être honnête dans un monde complexe. Et si la colère des peuples est compréhensible et saine, elle se justifie aussi et surtout par une Europe cruellement faible. José Manuel Barroso, le plus petit dénominateur commun, achève 10 ans de mandat où seul le lancement d'une négociation en vue d'un - mauvais- accord de libre échange entre l'Union européenne et les Etats-Unis pourrait apparaître comme un fait marquant dans un bilan contre-productif et très éloigné des besoins actuels...

L'Union européenne et l'euro ne sont pas une fin en soi ; ce sont des outils souvent assez mal utilisés car aussi régulièrement très mal influencés. Le Conseil européen a été incapable de s'entendre pour procéder à l'approfondissement de l'Union et a choisi la fuite en avant d'un élargissement mal maitrisé. Il a créé des machines à gaz d'une rare complexité tout en se montrant très en deçà de ses obligations sur la gouvernance et les violations manifestes des droits de l'Homme. Ainsi, on aurait pu espérer et attendre la même fermeté de ce Conseil que celle qu'avait manifesté les membres du précédent Conseil en particulier dans le cas de l'Autriche. La même remarque vaut pour un Parlement européen où les députés conservateurs ont réussi à bloquer toutes dénonciations des dérives autoritaires de certains pays et en particulier la Hongrie. A son actif, un refus d'ACTA et des reports de décharge budgétaire pour des agences dont les conflits d'intérêt n'étaient même plus défendable par les meilleurs défenseurs des lobbys. Quant à la Commission, son président à la fois réactionnaire et ultra libéral a conduit l'exécutif européen, malgré les efforts incontestables de certains commissaires qui se sont montrés de vrais européens convaincus, à oublier la défense des intérêts européens. Entre dérives atlantistes et pressions des grands lobbys, l'intérêt des citoyens européens n'a pas été la priorité.
Durant les 4 dernières années, un commissaire a été démis de ses fonctions pour un cas de corruption, la cour des comptes européenne a publié un rapport sur la gestion des conflits d'intérêts dans les agences européennes au vitriol et a confirmé que le poids du lobbying reste impressionnant sur le fonctionnement des institutions.
Au delà de ses critiques, il faut ajouter les bilans sociaux, environnementaux et économiques qui se révèlent très décevants, parfois catastrophiques.

Pour autant, plus que jamais, le besoin d'Europe est immense. Les réponses apportées par les eurosceptiques n'en sont pas même si à l'aide d'uchronie récurrente, ils tentent de faire croire en particulier à ceux qui peuvent bénéficier de fonds communautaires qu'ils pourraient faire mieux sans Europe. Ce retour en arrière, dangereux autant que difficilement réalisable, porte en germe la bascule vers un régime autoritaire.la tentation existe pourtant de "jeter le bébé avec l'eau du bain".

Les eurosceptiques sont déjà en campagne même si leur bilan est pitoyable au point que certains décrivent leur mandat par le terme d'"emploi fictif". Les crises sont de formidables caisses de résonance et la déconnexion des politiques avec la société civile donne le "la" à tous les populismes. Au point de faire oublier que les mauvaises habitudes de la majorité de la classe politique sont les mêmes chez les populistes....
Aux citoyens européens de s'emparer de l'Europe, sujet trop vital pour être laissé aux seuls apparatchiks et aux politiques qui instrumentalisent l'Europe au lieu de la servir.

L'Europe mérite une vraie mobilisation pour répondre à la défiance des peuples, des vrais débats et non des invectives et des petites phrases. Elle doit aussi pouvoir débattre de vraies alternatives sur le futur de l'Europe. Une convention ouverte à la société civile serait l'une des meilleures solutions pour répondre aux enjeux de l'avenir de l'Union. La prochaine mandature couvrira le centenaire de la première Guerre Mondiale. Sa responsabilité au regard de l'Histoire sera immense.

 

Source :

http://www.huffingtonpost.fr/corinne-lepage/anniversaire-premiere-guerre-mondiale_b_3701718.html?utm_hp_ref=tw

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