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Cap21 LRC Toulouse

echos du reseau lercitoyen

Itsi bitsi burkini

19 Août 2016, 06:35am

Publié par Corinne Lepage

Itsi bitsi burkini

La question du burkini qui s'est ouverte cet été en France est très caractéristique de la manière dont le sujet de l'islam intégriste est posée dans notre pays. Si la question est abordée sous l'angle de la liberté que doit avoir, à l'évidence, toute personne, homme ou femme, de pouvoir se baigner dans la tenue qui lui convient, le sujet n'en est évidemment pas un. Maillot entier, bikini, monokini pourquoi pas burkini que certains comparent à une combinaison de plongée?

En revanche, si la question est abordée sous l'angle de ce que représente le burkini et sur les raisons qui font qu'il apparaît maintenant sur nos plages, même très modestement, le sujet est de nature bien différente. C'est en effet la conquête de l'espace public par des tenues qui non seulement symbolisent la soumission des femmes et la dévolution de leur vue à leur seul époux, mais encore imposent une tenue, que certains appellent un uniforme militant, dans une société de culture totalement différente.

Il ne s'agit évidemment pas d'un acte religieux, et la meilleure preuve en est que, jusqu'à cette année 2016, aucune femme musulmane n'avait jamais revendiqué le port d'un tel vêtement qui s'apparente à la burka, comme la première partie de son nom l'indique, laquelle est une coutume saoudienne et non une obligation religieuse musulmane. Il n'est donc pas surprenant que nombre de nos concitoyens considèrent que ce burkini constitue un nouvel espace de conquête pour des intégristes qui, avec la burka pourtant interdite en France, mais portée le plus souvent sans aucune conséquence, ont déjà franchi une étape dans la voie de l'admission, sur le plan symbolique, de la soumission complète de la femme dans l'espace public. Et, l'incident de Sisco, pour lequel le procureur de la République a fait état d'un caïdat, visant à privatiser une plage publique en agressant tous les touristes éventuels, pousse évidemment dans cette direction.

Et en définitive, ces provocations qui n'ont pas grand-chose à voir avec une pratique religieuse sont d'une extrême dangerosité parce qu'elles alimentent effectivement un sentiment anti musulman, alors que l'immense majorité de nos concitoyens de religion musulmane est étrangère à ces pratiques. En réalité, ce qui est islamomophobe -si tant est que l'on puisse admettre ce terme, ce qui est éminemment discutable- c'est la provocation des intégristes qui tentent d'assimiler une religion et ses adeptes à une conquête politique d'une tout autre nature. Car, ce qui est radicalement incompatible avec les lois la République, c'est d'une part l'affirmation d'une inégalité par nature des femmes, conduisant à leur soumission voire à leur asservissement ; c'est d'autre part la volonté d'imposer une loi qui n'est pas que religieuse, à savoir la charia, comme une loi supérieure à celle de la République.

Quant à l'utilisation des principes de la République comme celui de la liberté pour combattre les défenses que la société cherche à mettre en place pour préserver précisément ces principes, elle n'est pas recevable. La cour européenne des droits de l'homme elle-même a jugé à plusieurs reprises que l'obligation première d'une démocratie était de défendre les principes démocratiques; dans un arrêt du 31 juillet 2001 rendu à propos du Partisi Rafah en Turquie, la cour a estimé que l'interdiction de ce parti pouvait être considérée comme répondant à "besoin social impérieux".

En effet, la volonté de ce parti d'établir "un système multi-juridique fondé sur la discrimination selon les croyances, d'instaurer la loi islamique (la Charia) qui se démarque nettement des valeurs de la Convention et de laisser planer un doute sur leur position quant au recours à la force afin d'accéder au pouvoir et, notamment, d'y rester" justifiait cette sanction. Cet arrêt a été confirmé par la grande chambre du 23 février 2003 dans lequel la cour rappelle que si "l'article 9 énumère diverses formes que peut prendre la manifestation d'une religion ou conviction, à savoir le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites, néanmoins, il ne protège pas n'importe quel acte motivé ou inspiré par une religion ou conviction (arrêt Kalaç c. Turquie du 1er juillet 1997, Recueil 1997-IV, p. 1209, §27)".

La cour rappelle également que, "lues conjointement, les déclarations en question qui contiennent des références explicites à l'instauration de la charia sont difficilement compatibles avec les principes fondamentaux de la démocratie, tels qu'ils résultent de la Convention, comprise comme un tout. Il est difficile à la fois de se déclarer respectueux de la démocratie et des droits de l'homme et de soutenir un régime fondé sur la charia, qui se démarque nettement des valeurs de la Convention, notamment eu égard à ses règles de droit pénal et de procédure pénale, à la place qu'il réserve aux femmes dans l'ordre juridique et à son intervention dans tous les domaines de la vie privée et publique conformément aux normes religieuses. (...)".

Dans ces conditions, les arrêtés anti burkini pris par plusieurs maires avec un tribunal administratif qui en a déjà confirmé la validité, peuvent tout à fait s'inscrire dans la logique qui précède.

Donner à chaque Français et surtout à chaque Française la plénitude de ses droits s'inscrit dans un ensemble dans lequel la servitude volontaire comme l'asservissement consenti n'ont pas leur place. Il n'y a pas davantage de place pour un militantisme qui vise à agresser les autres de manière à susciter une réponse et instituer ainsi un engrenage de violence autant symbolique que physique.

L'islam est une religion qui mérite d'être respectée à l'instar de toutes les autres mais qui doit respecter les lois de la République comme toutes les autres. La société française comme la société européenne a ses règles de vie que l'on peut aimer ou pas, critiquer ou pas, mais qui sont celles de tous ceux qui y vivent. Et il est de l'intérêt de tous, sauf évidemment des islamistes qui ne propagent que la haine, que ces lois soient respectées et le soient strictement.

Qui plus est, le fondement invoquant la liberté de la part des islamistes relève d'un paradoxe fort. En effet, comment ne pas s'étonner de voir des gens invoquer leur liberté pour le port du burkini et militer en même temps contre la liberté des autres?

 

 Devenez fan 

Avocate, Ancienne députée européenne Cap21, ancienne ministre de l'Environnement

 

Source : Huffington Post

http://www.huffingtonpost.fr/corinne-lepage/itsi-bitsi-burkini_b_11587914.html

 

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Le nucléaire ne survit plus que par la triche

29 Juillet 2016, 15:56pm

Publié par Corinne Lepage

Le nucléaire ne survit plus que par la triche

 

La décision prise par le conseil d'administration d'EDF de se lancer définitivement dans la construction de Hinkley Point n'est possible que parce que le droit est constamment contourné et qu'en réalité, en France, le nucléaire est hors d'état de droit.

Tout d'abord, ce conseil d'administration est une parodie dans la mesure où les administrateurs soi-disant indépendants qui siègent au conseil, hormis le courageux Gérard Magnin dont le courrier de démission mérite d'être lu par tous, ne devraient pas y siéger en raison des conflits d'intérêts. En effet, soit ils ont fait toute leur carrière dans le nucléaire comme Madame Lewiner et n'ont donc rien d'indépendant par rapport à l'entreprise, soit ils vivent de commandes du nucléaire comme Philippe Crouzet, patron de Vallourec ou Bruno Lafon patron de Lafarge.

Ce conseil d'administration n'aurait pas dû se tenir dans la mesure où la justice doit se prononcer lundi sur la possibilité ou non de traiter de la question centrale des EPR anglais par ledit conseil. De plus, les membres du conseil d'administration n'ont pas été informés correctement sur le contrat qui lierait EDF aux Anglais. Ils ne se sont vus remettre dans un premier temps qu'un résumé de contrat, puis, dans un second temps, n'ont disposé que d'un délai de 24 heures pour prendre connaissance d'un contrat de 5 000 pages en anglais... C'est une violation flagrante des règles de droit destinée à rendre impossible la connaissance exacte du contrat sur lequel les administrateurs devaient se prononcer. Mais peu importe puisque Monsieur Lévy était certain de sa majorité.

 

 

Ensuite, le projet lui-même est un modèle d'aide d'État à peine déguisé. La Cour des comptes britannique s'est émue récemment de la subvention indirecte à EDF par un prix garanti sur 34 ans représentant globalement quatre fois le prix actuel de l'électricité sur le marché de gros. Un surcoût de 37 milliards d'euros pour le contribuable britannique a été évalué par cette même cour. Si la Commission semble, pour des raisons obscures, avoir validé cette partie de l'aide d'État, rien ne dit que la Cour de justice de l'Union Européenne qui a été saisie aura la même position (mais là encore les règles communes n'existent pas grâce à EURATOM).

Il en va d'autant plus ainsi que l'aide d'Etat vient également et très largement de la France. Une recapitalisation de plus de 3 milliards à laquelle s'ajoutent 8 milliards payés par la Caisse des dépôts pour acquérir 49 % du capital de RTE ce qui est bien évidemment une aide déguisée. Là aussi, la commission aura à se prononcer.

Mais, pour la première fois, la justice française semble mettre également son nez dans les affaires assez troubles d'EDF puisqu'une perquisition s'est déroulée à la demande de l'Autorité des marchés financiers en raison de possibles dissimulations d'informations dont l'objet et l'effet auraient pu être une manipulation des cours de bourse. Car, non seulement EDF a quitté le CAC 40, non seulement son cours de bourse a été divisé par huit, mais encore la réalité des coûts auxquels l'entreprise est exposée pourrait avoir été dissimulée.

 

 

Sans doute, et en violation des règles communautaires comme des règles nationales, EDF a-t-elle renvoyé au XXIIème siècle le démantèlement de centrales nucléaires pourtant fermées depuis les années 80. Cette situation est due à l'absence de provisions constituées par EDF en violation de tous les textes. On rappellera pour mémoire que la Cour des comptes avait demandé au tournant du XXIème siècle que les sommes nécessaires au démantèlement des centrales nucléaires soient provisionnées et affectées à un compte en dehors de l'entreprise. L'État nucléaire avait évidemment et comme d'habitude cédé à EDF et fait en sorte qu'il n'en soit rien. Le résultat des courses est, comme la Commission l'a observé très récemment, que 30% seulement des sommes nécessaires auraient été provisionnées... Et rien ne dit qu'elles soient effectivement utilisables.

Quant à la mise aux normes des centrales dont EDF considère déjà pour acquis qu'elles devront aller jusqu'à 50 ans, la somme de 50 milliards sera très certainement insuffisante et, le mauvais état de notre parc laisse planer les plus grands doutes quant à la réalité du niveau de sûreté atteint aujourd'hui. Mais, peu importe. La bonne fée intitulée Conseil d'État veille. Selon la haute juridiction, les requérants potentiels ne pourront pas attaquer les décisions de prolongation de durée de vie des centrales. En effet, puisque les décisions de création des centrales nucléaires ne fixent pas de délai, les avis de l'autorité de sûreté nucléaire validant les rapports décennaux ne prolongent pas une durée de vie qui n'existe pas....

Que la France viole la convention d'Espoo, la convention d'Aarhus et le droit communautaire peu importe. Pourquoi diable des arguties juridiques quand il s'agit de centrales nucléaires!

En définitive, l'État a accepté de débourser près de 20 milliards d'euros, directement ou indirectement via la Caisse des dépôts pour soutenir le lobby nucléaire. La dette nucléaire est aujourd'hui abyssale, elle ne cesse de croître avec une double conséquence: entraîner notre pays dans une spirale financière délirante et l'empêcher d'entrer réellement dans une transition énergétique qui devient de plus en plus virtuelle.

 

Corinne Lepage

Avocate, Ancienne députée européenne Cap21, ancienne ministre de l'Environnement

 

Source : Huffington Post

http://www.huffingtonpost.fr/corinne-lepage/nucleaire-hinkley-point-_b_11245864.html

 

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Les incendiaires

12 Juillet 2016, 06:52am

Publié par Corinne Lepage

Barroso signe chez Goldman Sachs

Barroso signe chez Goldman Sachs

 

 

Après le Brexit, l'annonce de l'embauche de Monsieur Barroso par Goldman Sachs est probablement une des plus catastrophiques qui pouvait être faite. Certes, Monsieur Barroso a été un président particulièrement néfaste pour l'Union européenne. Mais, ses choix pouvaient être mis sur le compte d'une forme d'incompétence, jointe à une vision très personnelle de l'éthique.

En effet, après la mise en exergue des conflits d'intérêts inadmissibles au sein des agences européennes, qui s'étaient traduits par le refus de voter le quitus, et après des embauches hasardeuses de commissaires (mais sans doute beaucoup moins grave que la sienne), Monsieur Barroso avait décidé de doter la commission, d'un comité d'éthique. Les parlementaires européens attentifs à ces questions ne pouvaient que s'en réjouir... jusqu'au jour où nous avons découvert que le président de ce comité n'était autre qu'un ancien lobbyiste de Philip Morris.

Lors d'une audition organisée sur les conflits d'intérêts au sein de la commission et des agences, nous avions été une petite poignée de députés à interroger le représentant de la Commission, sur cette anomalie grossière. Il nous avait fait répondre, par ce fonctionnaire qui n'était pas habilité à le faire, qu'il n'y avait aucun problème ! Dans la même veine, l'embauche de Madame Anne Glover comme conseillère scientifique du président, alors que cette personne avait fait une grande partie de sa carrière au service de fondations financées par des multinationales, avait paru suspecte. L'interrogation était d'autant plus justifiée que Madame Glover n'avait cessé de prendre des positions favorables aux multinationales de l'agrochimie.

Durant son deuxième mandat, Monsieur Barroso n'a cessé de soutenir une position soi-disant dictée par la concurrence mais qui en réalité défavorisait systématiquement la constitution de grands groupes européens capables de s'opposer aux multinationales américaines et de prendre des positions systématiquement favorables, au moins dans le domaine de la santé environnement, aux Américains.

À titre d'exemple, la fameuse question de la consommation d'animaux clonés, à laquelle le Parlement européen était unanimement opposé et qui avait donné lieu, à la suite d'une nuit de négociations à un échec du trilogue (il s'agit de la réunion du conseil, de la commission et du Parlement, pour trouver une solution d'accord après la deuxième lecture d'un texte) était revenue sur la table au tout début de l'année 2014. En effet, la commission s'était engagée à proposer au Parlement un texte pour assurer l'étiquetage et la traçabilité des descendants d'animaux clonés.

Or, contre toute attente le texte proposé ne contenait aucune obligation d'étiquetage et de traçabilité. Le commissaire Borg, interrogé par nos soins, avait bien été obligé d'admettre que ce recul avait été fait à la demande des Américains dans le cadre de la préparation du TAFTA, voulu à tout prix par Monsieur Barroso. Et, les spécialistes de la finance pourraient examiner attentivement les oppositions que le commissaire Barnier a rencontrées au sein de la commission pour mettre en place une réglementation efficace dans le domaine financier.

L'embauche dans un délai relativement court (moins de deux ans) de Monsieur Barroso pose beaucoup de questions. Quand les pourparlers entre Monsieur Barroso et la banque Goldman Sachs ont-ils débuté ? Monsieur Barroso avait-il déjà dans l'esprit en tant que président de la commission de rejoindre cette banque ou avait-il déjà engagé des négociations avec d'autres grandes firmes américaines susceptibles de le recruter?

Le simple fait de poser ce type de questions parfaitement légitimes est catastrophique dans le climat actuel. Comment admettre que le plus haut personnage de l'Union européenne puisse être suspecté d'avoir favorisé sa carrière personnelle au détriment de l'intérêt de l'Union européenne? Peut-être n'en est-il rien mais le seul fait que la question puisse être posée dans le climat actuel est une pierre de plus à l'édifice hélas déjà solide des eurosceptiques.

Il est plus que temps qu'une législation sanctionnée pénalement se mette en place pour encadrer la gestion de la carrière des hauts fonctionnaires et commissaires de l'Union européenne comme celle du reste des parlementaires. La confiance se mérite et pour le moment malheureusement, après l'épisode Barroso, beaucoup reste à faire pour qu'elle soit méritée.

 

 

Avocate, Ancienne députée européenne Cap21, ancienne ministre de l'Environnement

 

Source : Huffington Post

http://www.huffingtonpost.fr/corinne-lepage/les-incendiaires_b_10931814.html

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Le 49-3 doit-il être supprimé ?

6 Juillet 2016, 09:04am

Publié par Corinne Lepage

Le 49-3 doit-il être supprimé ?

 

Le recours par le gouvernement au 49-3 pour faire voter au forceps la loi travail pose une nouvelle fois la question de la légitimité de cette disposition. En réalité, c'est davantage l'implosion de l'actuelle majorité que le recours au 49-3 qui pose problème.

Michel Rocard, au sujet duquel et à juste titre aucune louange n'a manqué, y a recouru plus d'une centaine de fois sans que cela ne pose réellement difficulté. Cette situation s'explique par le fait qu'en 1988, le parti socialiste n'avait pas la majorité et avait donc constitué une majorité avec les centristes. Il n'était donc pas surprenant qu'il ait fallu recourir à de nombreuses reprises au 49-3 puisque précisément les sujets de discorde entre deux mouvements politiques différents ne manquaient pas. Cet article permettait donc de savoir s'il existait toujours une majorité gouvernementale dont l'intérêt du maintien était supérieur à celui de l'opposition à tel ou tel texte.

La très grande difficulté du recours par Manuel Valls au 49-3 tient précisément au fait que le parti socialiste dispose sur le papier d'une majorité absolue et que, par voie de conséquence, la question de la majorité gouvernementale ne devrait pas se poser. Le 49-3 n'est donc en fait que l'illustration d'une implosion potentielle du parti socialiste qui ne se produit pas... en raison de l'intérêt supérieur des investitures à venir. C'est précisément en raison de la minorité politique de fait du gouvernement au regard de ses choix que se pose la question du passage en force d'une loi qui pourtant ne devrait pas être minoritaire à l'Assemblée nationale.

En effet, au-delà des moulinets communicationnels des républicains, la loi travail, même rendue plus light, s'inscrit parfaitement dans la philosophie de ce parti politique et elle trouve sa source dans le rapport Attali qui avait été remis en 2007 à Nicolas Sarkozy. Sans doute, le texte voté par le Sénat va-t-il beaucoup plus loin dans la remise en cause "des acquis sociaux" (mais les acquis sociaux des uns peuvent constituer des impossibilités d'acquis sociaux pour les autres et d'autres acquis sociaux peuvent aussi naître de ce texte). Pour autant, la philosophie générale reste la même. Or, si la droite avait assumé ses options économico-sociales au lieu de privilégier une posture politicienne d'opposition par principe au gouvernement, la question du 49-3 ne se serait pas posée car il y aurait eu une majorité.

En définitive, ce n'est pas tant la disposition constitutionnelle qui pose problème que le fonctionnement aberrant de nos partis politiques qui, pour des raisons internes et politiciennes, font systématiquement prévaloir leurs intérêts internes sur leur conception de l'intérêt général appliqué à tel ou tel texte.

Dès lors, s'il y avait une réforme à faire, ce serait très certainement celle des partis politiques et de leur fonctionnement avant celle de la Constitution. Il est tout à fait vrai que le 49-3 est destiné à contraindre les parlementaires à voter un texte voulu par le gouvernement. Il ne porte pas en lui-même l'impossibilité du débat préalable; c'est en réalité par une forme de perversion que la question du 49-3 est évoquée dès le début de la discussion parlementaire afin de bloquer celle-ci.

Il peut tout à fait intervenir en fin de débat ouvrant ainsi la possibilité aux députés de modifier les dispositions qu'ils souhaitent. D'autre part, dans une hypothèse souhaitable dans laquelle la proportionnelle serait introduite, l'utilité du 49-3 pour maintenir une stabilité gouvernementale serait évidente.

Dans ces conditions, la question du maintien du 49 -3 peut certes être soulevée. Mais c'est bien davantage celle des postures, de la professionnalisation de la vie politique et de la conception du mandat comme un métier justifiant toutes les bassesses pour obtenir son investiture, et plus généralement des dérives de la partitocratie qui devrait être prioritaire.

C'est également la question de la légitimité d'un pouvoir, certes légalement élu, mais qui ne dispose plus que d'une infime base politique qui est posée, c'est-à-dire celle des conditions d'exercice du pouvoir et de son contrôle.

 

 

Avocate, Ancienne députée européenne Cap21, ancienne ministre de l'Environnement

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Salon mondial du nucléaire : jusqu'où va aller le déni français ?

29 Juin 2016, 07:25am

Publié par Corinne Lepage

Le site nucléaire de Nogent-sur-Seine, le 5 décembre 2011

Le site nucléaire de Nogent-sur-Seine, le 5 décembre 2011

LE PLUS. La deuxième édition du "World nuclear exhibition", salon mondial de référence en matière d'énergie nucléaire, vient de s'ouvrir au parc des expositions du Bourget. Un événement complètement déconnecté de la réalité, dénonce Corinne Lepage, eurodéputée EELV.

Édité par Rozenn Le Carboulec

 


Ce 28 juin s’ouvre une grand-messe organisée par Areva et EDF et qualifiée de "l’événement mondial de référence de la filière du nucléaire civil". Il ne faut pas avoir peur, quand on est l’auteur de fiascos commerciaux et financiers de l’ampleur de ceux qu’ont produit Areva et EDF, d’oser organiser une telle manifestation. Si un prix hors catégorie devait être décerné à l’aplomb illimité, nul ne peut douter que les Laurel et Hardy du nucléaire l’obtiendraient.

Mais, malheureusement la situation n’est pas comique, elle est tragique pour notre pays, son image, ses finances, son industrie autre que nucléaire.

Le retard abyssal de la France

Alors que partout dans le monde, les entreprises énergétiques se retirent du fissile et demain des fossiles, EDF et Areva, à l’instar des entreprises des pays à économie étatique comme la Chine, la Russie ou la Corée du Nord, continuent à parier sur le nucléaire, mieux sur le tout nucléaire !

Ceci explique le retard abyssal de la France en matière d’efficacité énergétique et d’énergies renouvelables, son incapacité à atteindre ses engagements communautaires en 2020 et l’impossibilité de mener à bien une politique énergétique à l’échelle européenne.

Une situation financière préoccupante

La situation financière catastrophique dans laquelle se trouvait notre filière au début de l’année est connue et a conduit le directeur financier d’EDF à démissionner en raison de la mise en péril d’EDF si la décision de construire Hinkley Point était finalement prise. 40 milliards de dettes, 50 milliards prévus pour une opération de grand carénage dont la Cour des comptes considère qu’elle coûtera 100 milliards, 25 milliards minimum pour l’opération de Bure – probablement 35 – sans compter le coût du démantèlement remis au XXIIe siècle.

Les mises en demeure et mise en garde de l’autorité de sûreté nucléaire, dont les moyens ont été volontairement limités par le gouvernement, n’y changent rien. Cette situation est bien entendu très préoccupante sur le plan financier ; elle l’est tout autant sur le plan de la sûreté et encore plus sur le plan démocratique.

Nos décideurs sont désormais dans le déni

En effet, non contents de prendre les Français pour des imbéciles, nos décideurs sont désormais dans le déni, comme si nous étions condamnés à une forme permanente de nuage de Tchernobyl bloqué à la frontière de la part des pouvoirs publics malgré les efforts indéniables de l’Autorité de sûreté nucléaire pour essayer d’informer convenablement.

Les exemples sont légion. L’affirmation par la ministre de l’Écologie de l’absence d’incidence sur les centrales nucléaires des dysfonctionnements et peut-être malversations techniques constatées au Creusot a été aussi rapide qu’inexacte. Elle faisait suite aux déclarations d’EDF datées du 12 mai selon lesquelles "ni l’analyse d’Areva ni celle de nos équipes ne conduisent à identifier un quelconque réacteur du parc en fonctionnement qui devrait être mis à l’arrêt". Il n’a pas fallu attendre un mois pour qu’un réacteur de Fessenheim soit mis à l’arrêt et que l’Autorité de sûreté nucléaire annonce 80 irrégularités concernant 21 réacteurs.

La situation de la centrale finlandaise devient dramatique sur le plan financier. Il semblerait – mais comme par extraordinaire la presse française ne s’en est pas faite l’écho hormis la presse locale – que les pourparlers avec la partie finlandaise aient été rompus à l’initiative de la France. Certains parlent d’un risque de huit milliards d’euros ! Cette situation rend évidemment très difficile l’avenir d’Areva, puisque les 5 milliards d’euros promis par l’État, pris dans la poche des contribuables, ne suffiront certainement pas. Mais, silence et bouche cousue.

Flamanville, Fessenheim : des situations dramatiques

La situation de Flamanville est tout aussi obscure. En effet, Jean-Bernard Lévy a demandé que soit prolongée au 11 avril 2020 la mise en service de Flamanville III prévu pour avril 2017. Mais, compte tenu de l’aggravation de la situation de la cuve et du couvercle et au regard de la présence du carbone, il n’est pas du tout évident que l’Autorité de sûreté nucléaire donne un feu vert en 2017. On peut en revanche compter sur EDF pour faire toute la pression nécessaire pour obtenir le sésame. Et tant pis pour les risques pris en cas d’accident pour la population. De toute façon, EDF n’est pas assurée et le contribuable paiera…. Là aussi, le silence règne comme si la situation était sous contrôle.

Quant au cirque de Fessenheim, il semble parti pour durer. Les engagements à grand renfort de communication de la part de la ministre de l’Écologie sur sa volonté de prendre un décret de fermeture sont évidemment intenables, puisqu’elle a fait voter une loi qui ne lui en donne pas le pouvoir. Tout dépend du bon vouloir d’EDF, qui évidemment n’est pas pressé de déposer un dossier de demande de fermeture de Fessenheim, pariant sur le fait qu’un autre président de la République prendrait une position contraire. Donc, on amuse la galerie sur un prétendu débat sur l’indemnisation préalable d’EDF en cas de fermeture de Fessenheim pour retarder jusqu’à l’élection présidentielle toute décision.

Mais, il y a un grain de sable dans cette mécanique très bien huilée : l’arrêt du réacteur numéro 2, qui pourrait présenter des anomalies liées au travail réalisé au Creusot. Si le réacteur numéro 2 était effectivement défectueux, alors la fermeture au moins de ce réacteur pourrait-elle être décidée pour des risques graves. Paradoxalement, l’engagement du président de la République serait tenu grâce à des fraudes réalisées lors de la construction du réacteur.

Et que dire de la situation de Paluel ?

Et que dire de la situation de Paluel, où l’invraisemblable chute d’un générateur de vapeur – accident jugé impossible par EDF – pourrait rendre inutilisables les installations ? Que dire du report à 50 ans voire plus des opérations de démantèlement des centrales nucléaires pour cause de non provisionnement des sommes nécessaires à ces opérations. Rappelons à cet égard que la Commission européenne avait épinglé la France quelques semaines auparavant précisément pour n’avoir réservé que 30% des sommes nécessaires et prévues.

Aussi, dans un tel contexte, aller se pavaner pour vanter l’exemplarité française ne manque pas d’audace et constitue, pour tout notre système industriel, un modèle déplorable et très probablement à l’opposé de ce que nos entreprises qui, elles, connaissent le succès, voudraient donner de l’exemplarité française.

Source : L'Obs

http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1533065-salon-mondial-du-nucleaire-jusqu-ou-va-aller-le-deni-francais.html

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