LE PLUS. Partis politiques fragilisés, nombre de militants encartés en baisse, défiance envers le monde politique... Face à un système politique qu'elle estime à bout de souffle, la députée européenne Corinne Lepage se félicite que des initiatives visant à organiser des primaires de la société civile, en dehors de tout parti politique, se mettent en place dans la perspective de 2017.
Édité par Sébastien Billard
Jusqu’à présent, le débat politique s’orientait, dans le cadre de la préparation des élections présidentielles, autour de primaires à droite – qui ne semble intéresser que les ténors des républicains à ce jour – et d’éventuelles primaires à gauche réclamées par certains écologistes et des personnalités de la "gauche de la gauche".
Et puis, ce qui était sous-jacent depuis plusieurs mois arrive à maturité. Malgré la fermeture à double tour du système politique pour en exclure la société civile, celle-ci s’organise et mieux encore les citoyens la réclame.
Les initiatives qui visent à organiser des primaires de la société civile, en dehors de tout parti politique et avec une orientation bien différente, sont en voie de structuration.
Bloc de droite et bloc de gauche ne signifient plus rien
Elles partent du principe que la situation du pays exige de passer au-delà des critères droite/gauche qui sont de plus en plus dépassés – et les débats actuels autour de la déchéance de nationalité ou du droit du travail le démontrent.
Ces primaires de la société civile sont donc ouvertes à tous, sur la base d’un socle commun extrêmement large permettant à des sensibilités dites de droite ou dites de gauche de se retrouver. La situation d’extrême difficulté de notre pays n’exige-t-elle pas, comme l’avait fait le Conseil national de la Résistance en 1945 – dans une situation bien différente –, de déterminer une base commune permettant ensuite à des sensibilités de s’exprimer ?
En réalité, bloc de droite et bloc de gauche ne signifient plus rien lorsque l’on voit des convergences beaucoup plus grandes entre des "courants" venus de chacun de ces blocs qu’à l’intérieur de chacun d’entre eux. De plus, le glissement incontestable vers la droite du curseur de la vie politique française rend irréaliste les propositions de l’extrême gauche ; quant au FN, non seulement il reste marqué par ses origines idéologiques mais les solutions proposées n’en sont pas.
D’où la nécessité de marquer un socle commun qui puisse rassembler les bonnes volontés sans se laisser enfermer par des logiques partitocratiques qui excluent cet objectif majeur. Il s’agit de partager une direction commune et surtout une manière de gouverner.
La société civile peut permettre à la France de s'en sortir
La classe politique s’est forgée les règles qui lui convenaient qu’il s'agisse du financement des partis politiques, des règles de cumul de mandats, des règles pénales ou des régimes sociaux. Il est temps de faire la révolution au sens étymologique du terme.
Seule la société civile peut permettre à la France d’en sortir, en exigeant l’application du droit commun à tous, le renouvellement des responsables politiques, la réduction drastique du nombre des élus tant au niveau national qu’au niveau du mille-feuille administratif, un changement radical dans l’élaboration des règles afin non seulement de réduire massivement le nombre mais surtout de se focaliser sur les objectifs et non sur les outils pour y parvenir.
Elle peut aussi revenir à un bon sens minimum qu’il s’agisse de l’éducation, de la préservation de notre patrimoine commun (qu’il soit gastronomique, paysager, historique, culturel) et bien sûr de la laïcité définie simplement comme l’application dans la sphère publique des lois de la République à l’exclusion de toute autre référence.
Enfin, la société civile est en capacité d’imposer les réformes auxquelles certains corps intermédiaires sont opposés non pas au nom de l’intérêt général mais de leur propre stratégie de pouvoir.
La présidentielle 2017 est une vraie opportunité
La possibilité qu’aura la société civile de mettre dans le débat des sujets qui fâchent la classe politique est essentielle pour permettre à nos concitoyens qui se sont éloignés de la politique par dégoût et sentiment d’impuissance de retrouver l’attrait du débat et de l’engagement.
Jusqu’à présent, la classe politico-médiatique a considéré avec le plus grand mépris des initiatives de la société civile et le travail de ses représentants lorsque ceux-ci arrivaient à des postes de pouvoir. Instrumentalisés par les partis politiques pour essayer de détruire dans l’œuf toute velléité d’autonomisation, les hommes et femmes non issus du sérail politicien ont effectivement rencontré de grandes difficultés dans la mesure où ils étaient dans l’incapacité de peser sur les règles du jeu.
L'élection présidentielle de 2017 offre pour la première fois à la société civile la capacité de peser très sérieusement dans le débat, voire même de l’emporter. Deux sondages récents sont particulièrement éclairants.
Un sondage commandé par Synopia et publié au début du mois de février démontrait que 2 Français sur 3 étaient prêts à soutenir une primaire non partisane. L’intérêt de ce sondage tient à ce que toutes les catégories socioprofessionnelles et toutes les sensibilités politiques se situent entre 60 et 70 pour cent d’opinions favorables. Le second sondage, publié le weekend dernier dans "20 minutes", démontrait que 8 Français sur 10 étaient prêts à élire un président en dehors des partis politiques.
C’est le renouveau de la démocratie
Le système partitocratique a confisqué la démocratie depuis des décennies.
Non seulement il a modifié le système de choix des candidats à l’élection présidentielle que le peuple français avait pourtant approuvé par référendum en limitant aux seuls élus la capacité de présenter des candidats. En effet, le choix initial du général de Gaulle, approuvé par référendum, à permettre aux membres du conseil économique et social de soutenir un candidat qui n’avait à réunir que 100 parrainages et non pas 500.
Nos élus actuels sont en train de modifier à nouveau les règles du jeu pour essayer de réduire la présence médiatique des candidats non présentés par les grands partis…. En attendant qu’ils inventent d’autres règles pour essayer de fausser le jeu.
Les primaires de la société civile, c’est le renouveau de la démocratie. Plus nos concitoyens seront nombreux à y participer, plus ils contribueront à permettre à notre pays de sortir de la gangue dans laquelle il est enfermé.
Par Corinne Lepage
Ex-ministre
Source : L'Obs
http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1490118-des-primaires-de-la-societe-civile-essayons-c-est-le-renouveau-de-la-democratie.html