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Cap21 LRC Toulouse

Alerte sur nos centrales nucléaires !

11 Février 2014, 15:56pm

Publié par Corinne Lepage

La retraite à 60 ans, cela me fend le coeur.

La retraite à 60 ans, cela me fend le coeur.

ENVIRONNEMENT- Le gouvernement accepte que des risques démesurés soient pris en toute connaissance de l'état réel de nos centrales nucléaires et accepte de facto que puisse être envisagée une contamination du territoire avec un maintien des populations en place

 

Dans l'indifférence générale -mais n'est ce pas l'art de la com.!- la problématique de la sûreté autour de nos centrales nucléaires est en train de se dramatiser et de changer de nature.

Le programme nucléaire français a été construit sur un double postulat: les centrales françaises sont les plus sûres du monde et par voie de conséquence, il n'y a pas de risque d'accident nucléaire majeur en France. Dans ces conditions, lors de la mise en place du programme nucléaire français, à aucun moment un rapport coût avantage entre les risques d'un accident nucléaire majeur et les avantages procurés par l'énergie nucléaire n'a été établi. Ce double postulat a été complété, au début du XXIème siècle, par la création de l'Autorité de Sûreté Nucléaire censée être totalement indépendante et capable d'imposer ses choix à l'exploitant.
Après Fukushima, la réaffirmation de la parfaite sécurité de nos centrales, sous réserve d'une opération de "grand carénage" en capacité de permettre l'allongement de la durée de vie à 60 ans du parc nucléaire, a été martelée par le lobby nucléaire.
La technostructure nucléaire a rappelé aux politiques et à la société être la seule détentrice de la compétence et de la définition du bien commun.

Ce système devrait être en passe de voler en éclats.

Tout d'abord, et c'est le plus important, nos centrales souffrent d'un risque systémique, ce qui signifie que ce sont toutes les centrales du même modèle qui ont un défaut qui accroît, dans des proportions à définir, le risque d'accident. La première sonnette d'alarme a été lancée par l'IRSN en septembre 2013 et rendue publique récemment. Elle concerne les écarts de conformité des refus de fermeture des disjoncteurs sur les centrales de 1300 MW. Malgré cet écart de conformité caractérisée dont l'IRSN dit qu'il a une incidence sur la sûreté importante, EDF refuse de rechercher les causes et se contente d'une stratégie de dégraissage mise en cause par l'IRSN. C'est peut-être cette alarme qui a conduit l'IRSN à perdre 10 % de son budget en 2014!

La seconde sonnette d'alarme a été exprimée par le patron de l'Autorité de Sûreté Nucléaire, Monsieur Chevet, qui considère que toutes les conséquences de Fukushima n'ont pas été tirées et qu'en particulier des règles supplémentaires sont indispensables, qui "conduiront EDF à retenir des aléas notablement majorés pour les matériels du noyau dur, en particulier pour le séisme et l'inondation." Quant à la force d'intervention rapide en cas d'accident, elle ne sera réellement opérationnelle qu'en 2018.

Enfin, le problème le plus sérieux concerne l'usure des matériaux. Selon Médiapart, un problème de corrosion concernerait des gaines de combustibles dans 25 des 58 réacteurs nucléaires, soit 13 tranches de 1 300 mégawatts (MW) parmi les plus puissantes, et 12 de 900 MW parmi les plus anciennes.
À partir d'une série de documents internes vérifiés, il existerait un problème de corrosion sur le gainage en Zircaloy, un alliage métallique à base de zirconium. La question n'est pas nouvelle puisque l'IRSN avait déjà estimé que les épaisseurs maximales de corrosion étaient sous-évaluées par EDF. En 2011, elles atteignaient 115 microns, soit 0,115 millimètre alors que l'ASN estime que le risque de rupture existe dès 0,08 millimètre (80 microns) de corrosion.

Aujourd'hui, la corrosion est encore plus profonde et EDF se bat pour faire monter la tolérance de 0,08 à 0,108. Rappelons que cette corrosion représente entre un cinquième et un sixième de l'épaisseur complète de la gaine, ce qui est considérable. De plus, en cas d'accident cette corrosion pourrait avoir un effet accélérateur, d'où l'exigence de l'Autorité de Sûreté Nucléaire d'une démonstration de sûreté "acceptable". Ceci signifie que non seulement, il existe un accroissement du risque dès aujourd'hui mais que la prolongation de vie des centrales sans le retrait de toutes les gaines de Zyrcaloy est un risque majeur.

Or, précisément, ce débat intervient au moment même où la France reconnaît -sans le dire- non seulement la possibilité d'un accident nucléaire majeur et son coût exorbitant, mais de surcroît commence enfin à envisager concrètement ce qu'il faudrait faire dans une telle hypothèse. Le CODIRPA (Comité directeur pour la gestion de la phase post-accidentelle) avait travaillé sur un scénario d'accident de faible amplitude, mais son objectif était clairement celui de la sûreté nucléaire et de la protection des populations. On aurait pu penser qu'après Fukushima, la prise de conscience aurait conduit à faire du Plan national de réponse à un accident nucléaire ou radiologique l'occasion d'un véritable débat national.

C'est tout le contraire qui s'est produit puisque, non seulement il n'y a eu aucun débat national, mais pire encore l'Association Nationale des Comités et Commissions Locales d'Information (ANCCLI) n'a même pas été consultée. C'est un plan élaboré par le lobby nucléaire tout seul comme l'avait été en son temps le programme électronucléaire de 1973 par la commission PEON. Il ne faut donc pas s'étonner de la nature de ce plan, qui ne vise pas prioritairement la protection des populations et leur éloignement, mais le maintien de la vie dans une zone contaminée par la pollution nucléaire.

Le rapport précise en effet : "La continuité de la vie sociale et économique: un accident nucléaire peut perturber la vie économique et sociale, à l'échelle du pays, par l'interruption des activités humaines sur une zone contaminée. Il peut nécessiter d'adapter la vie sociale et économique et d'assurer la réhabilitation du territoire concerne si les personnes et les entreprises sont déplacées".
Autrement dit, le gouvernement français, prenant parfaitement conscience après Tchernobyl et Fukushima de l'impossibilité, en raison de l'absence d'assurance de l'industrie nucléaire et par voie de conséquence de l'absence de moyens financiers pour protéger les populations convenablement, déciderait de faire vivre les Français dans les zones contaminées.

 

Un tel choix aurait au moins mérité un débat sur la place publique et il est absolument inacceptable qu'il n'en soit pas ainsi. Chose encore plus surprenante EELV ne semble pas vouloir s'emparer de ce sujet absolument majeur pour notre avenir.

Ainsi, alors que le projet de loi sur la transition énergétique prend du retard et bat de l'aile, le gouvernement accepte que des risques démesurés soient pris en toute connaissance de l'état réel de nos centrales nucléaires et accepte de facto que puisse être envisagée une contamination du territoire avec un maintien des populations en place, au-delà de la zone la plus contaminée. Ce constat n'a strictement plus rien à voir avec le pacte implicite qui avait été passé avec la société française pour le développement de l'énergie nucléaire sur notre territoire. Il serait temps que la vérité soit dite.

 

Source : Huffington Post

http://www.huffingtonpost.fr/corinne-lepage/centrale-nucleaire-securite_b_4760434.html

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