Moraliser la vie politique, c'est mieux contrôler la gestion des fonds publics (et sanctionner si nécessaire)
Cette tribune est le deuxième volet d'une proposition de plan de moralisation de notre vie publique.
La deuxième grande condition de la confiance est celle de l'utilisation qui est faite des fonds publics, en particulier autour des grands et petits projets. Les deniers publics sont tenus dans une forme de mépris par certains politiques. Entre les parlementaires qui considèrent que les deniers publics leur appartiennent et qui en font usage comme ils veulent et des élus locaux ou nationaux qui n'assument jamais la responsabilité de choix délirants qui ont coûté des centaines de millions voire des milliards aux contribuables, la situation n'est plus supportable dans un pays hyper fiscalisé, dans lequel la part des prélèvements obligatoires est très largement supérieure à la moyenne européenne.
Tout d'abord, les deniers publics n'appartiennent qu'à l'Etat et à aucun individu et ceux qui sont chargés de les gérer sont ceux-là même qui sont chargés de justifier de l'usage qu'ils en ont faits. On rappellera qu'il s'agit là d'une des dispositions fondamentales de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen dont l'article 15 rappelle que la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration et que l'article 14 reconnaît le droit de tout citoyen de suivre l'emploi qui est fait de la contribution publique. Cela signifie à l'évidence que non seulement toute dépense publique doit pouvoir être connue et contrôlée; à l'instar de la situation en Angleterre, en Allemagne dans les pays du Nord de l'Europe, tout citoyen doit pouvoir avoir accès par Internet à la justification de toute dépense publique y compris faite par un parlementaire, un ministre ou un élu quelconque dans l'exercice de sa mission. Cela signifie que des pratiques d'un autre temps, injustifiables, ne peuvent que cesser à partir du moment où elles seront rendues totalement transparentes.
L'article 15 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen rappelle que la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration.
Le second point est celui de la gabegie. Chaque année, les rapports de la Cour des Comptes pullulent de choix absurdes, de décisions qui ont coûté des millions voire parfois un ou 2 milliards aux contribuables sans que ceux qui sont à l'origine de ces choix ne soient jamais inquiétés. Il est désormais impératif que les rapports de la Cour des Comptes fassent l'objet de sanctions réelles. C'est évidemment le cas lorsque des soupçons d'infraction se font jour; en particulier, dans le domaine immobilier, de nombreux rapports de la Cour des Comptes ont dénoncé les conditions dans lesquelles avait été géré le patrimoine de l'État; ils ont également dénoncé des pertes en ligne considérables de mobilier de l'État. Ces constats devraient faire l'objet d'une dénonciation obligatoire en application de l'article 40 du code de procédure pénale auprès du parquet.
Il est désormais impératif que les rapports de la Cour des Comptes fassent l'objet de sanctions réelles.
Restent enfin les choix catastrophiques sur le plan financier qui n'ont jamais d'incidence sur leurs auteurs. En droit de la comptabilité publique, seul le comptable est responsable. L'ordonnateur, c'est-à-dire le décideur public, ne l'est que dans la mesure où il est gestionnaire de fait c'est-à-dire où il s'est substitué au comptable. C'est rarissime. Nous devrions engager une réflexion sur la responsabilité des auteurs d'erreurs qui ont coûté des milliards à la République et qui peuvent continuer en toute tranquillité. Sans aller jusqu'à une responsabilité personnelle sur le plan financier, d'autres types de sanctions notamment de nature politique pourraient être envisagées.
Il faut faire en sorte que le coût des erreurs pour un décideur public puisse devenir pour lui un épouvantail au même titre que sa responsabilité pénale.
L'objectif n'est pas tant de sanctionner mais de faire en sorte que le coût des erreurs pour un décideur public puisse devenir pour lui un épouvantail au même titre que sa responsabilité pénale. Peut-être les choix seraient-ils plus rationnels et l'avis des citoyens aurait-il un poids suffisant pour contrecarrer celui de technocrates pour lesquels le coût est secondaire au regard de projets qui restent parfois totalement pharaoniques, et qui de toute façon sont sous-évalués, généralement entre deux fois et trois fois leur prix réel. Un vrai respect des deniers publics changera la donne entre politiques et société.
Source : Huffington Post